Pour préparer son programme d'actions prévu pour fin 2012 en faveur des aires d'alimentation des captages en eau potable, le Sage Ill-Nappe-Rhin en Alsace s'appuie sur l'exemple de Munich (Allemagne), unanimement salué de par le monde, ainsi que sur l'expérience de Lons-le-Saunier, dans le Jura. Ces deux collectivités ont réagi à la dégradation des indicateurs sur les polluants les plus sensibles par une contractualisation avec le monde agricole de façon à réduire les intrants nuisibles à la qualité de la ressource.
ENGAGEMENTS PRÉCIS
Munich dispose d'une telle antériorité que s'aligner sur elle relève de la gageure... à moins de patienter un siècle. Voici en effet 125 ans que la ville allemande a acheté ses premières parcelles autour de son point de captage historique. Jamais interrompue, cette politique n'a pas empêché la montée des concentrations en nitrates et pesticides jusqu'à leur pointe respective de 15 mg/l et 65 ng/l au tournant des années 1980-1990. Des chiffres encore bien en deçà des seuils de potabilité, mais jugés suffisamment préoccupants pour changer de braquet.
Dès 1993, la Ville et sa filiale de distribution d'eau ont incité les exploitants locaux à se convertir à l'agriculture bio. Des contrats de dix-huit ans soumettent l'aide financière à des engagements précis, dont l'interdiction des engrais chimiques, la limitation des fertilisants organiques, le désherbage thermique ou mécanique ou la couverture hivernale des sols. Les contrats signés couvrent 88 % des 2 250 hectares agricoles concernés par ce programme qui s'étend au total sur 6 000 hectares, dont 2 950 hectares de forêts. Des circuits de distribution courts ont été mis en place. Quant aux nitrates, leur teneur est retombée à 8 mg/l.
FACILE À REPRODUIRE
Le cas de Lons-le-Saunier apparaît plus immédiatement reproductible. Alertée par la hausse des nitrates due à l'avènement de la culture intensive, la Ville a signé à partir de 1992 une série de cinq conventions avec les quinze exploitants qui cultivent 60 hectares dans la zone d'influence des puits de captage, classés depuis dans la liste des 500 captages prioritaires du Grenelle de l'environnement. Évoluant au fil du temps, les engagements aboutissent aujourd'hui à la couverture hivernale des sols, à la création des bandes enherbées, à exclure la culture du maïs qui était largement répandue, à ne pas épandre de lisier ou de purin. Le triazine a été banni plusieurs années avant son interdiction officielle. Ces engagements ont relevé de l'incitation, étant assortis d'aides financières allant de 122 à 259 euros/hectare dans le périmètre de protection rapprochée, et de 609 euros dans le périmètre immédiat. La Ville a décidé de les passer au régime de l'obligation-indemnisation : une déclaration d'utilité publique préfectorale, attendue en 2011, va régir avec un degré de contrainte décroissant le périmètre immédiat, deux zones de périmètre rapproché de 70 et 150 hectares et un périmètre de protection éloignée de 1 500 hectares. Dans la zone de 70 hectares, il y aura obligation, sinon de se convertir totalement à l'agriculture biologique, du moins de se conformer à son cahier des charges. Seuls deux agriculteurs s'y sont mis de façon volontaire. La Ville achète leur blé pour alimenter en pain 5 000 repas quotidiens en restauration collective.
L'impact est net pour les pesticides, tandis que l'amélioration au niveau des nitrates reste fragile. Après une rapide baisse de 30 à 20 mg/l au début des années 1990, leur teneur n'a plus baissé. Depuis, elle remonte légèrement, et la moyenne actuelle se situe à 22 mg/l.