Et quand il n'y a pas de soleil, vous faites comment ? » entend-on souvent à propos de l'électricité solaire. Autrement dit, les énergies renouvelables intermittentes, comme le photovoltaïque ou l'éolien, restent trop aléatoires pour représenter une part notable de la production française d'électricité. Mais si l'électricité d'origine renouvelable pouvait être stockée, la question ne se poserait plus. C'est le but de Myrte, un projet de stockage d'électricité photovoltaïque, via la production d'hydrogène, porté en Corse par Capenergie, le pôle de compétitivité Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse consacré aux énergies.
« Le but de ce projet est de répondre à l'augmentation des énergies intermittentes sur les réseaux électriques », indique Patrick Bouchard, président de la société Hélion, filiale d'Areva, qui gère la partie hydrogène du projet. L'idée est d'utiliser le surplus d'électricité pour fabriquer de l'hydrogène par électrolyse de l'eau, puis de produire de l'électricité en consommant cet hydrogène dans des piles à combustible lorsque la demande excède l'offre. Le tout étant relié au réseau. « Nous testerons cette solution pour un stockage à court terme, afin de répondre aux pointes de consommation journalières, mais aussi à moyen terme en cas de périodes moins ensoleillées, et même à long terme, pour fournir davantage d'électricité l'hiver avec l'hydrogène produit l'été », précise Patrick Bouchard.
Produire l'été pour consommer l'hiver
D'ici à la fin de 2008 devraient être installés 800 kilowatts crête (kWc) de panneaux photovoltaïques à Vignola, près d'Ajaccio, 150 kW d'électrolyseurs décomposant l'eau en oxygène et hydrogène et, enfin, 50 kW de pile à combustible. À l'horizon 2010, ces puissances atteindront respectivement 3,5 MWc, 600 kW et 200 kW. « Il existe déjà des projets de stockage par l'hydrogène dans le monde, mais c'est le premier dans cette gamme de puissance, et comportant l'ensemble de la chaîne : électrolyseur, stockage, pile à combustible », indique le responsable d'Hélion.
L'électrolyseur est adapté à l'intermittence de la source : il s'agit d'un système PEM (Proton Exchange Membrane), capable de fonctionner à froid. Les gaz sortent directement sous pression pour éviter le recours aux compresseurs pour le stockage. La pile à combustible est également de technologie PEM et fonctionne à l'oxygène (et non à l'air) récupéré lors de l'électrolyse. Nul besoin de capter l'air, de le filtrer, de le comprimer... d'où une efficacité accrue.
Quatre ans de tests
Malgré tout, les rendements de l'ensemble ne sont pas élevés : 20 à 25 %. L'électrolyseur a, en effet, un rendement d'environ 50 %, de même que la pile à combustible, sans oublier les pertes lors du stockage et dans le convertisseur électrique. « Cependant, un groupe électrogène Diesel n'a pas un meilleur rendement, justifie Patrick Bouchard. Et sans l'ensemble électrolyseur - pile à combustible, l'électricité solaire qui n'est pas utilisée immédiatement est tout simplement perdue, car on ne peut pas la stocker. »
Ce projet de 32 millions d'euros rassemble le groupe corse de BTP Raffalli, l'université de Corse, Hélion, le Commissariat à l'énergie atomique et l'Institut national de l'énergie solaire. Les installations seront à la disposition des chercheurs, afin d'améliorer le système et de bénéficier du retour d'expérience. Le calendrier est serré : montée en puissance des installations et expérimentation durant quatre ans avec l'objectif de vendre le système dès 2012.