Les ressources énergétiques sont parfois plus proches qu'on ne le croit. Dans les entreprises qui travaillent le bois ou dans l'agroalimentaire, on sous-estime souvent la puissance calorifique de résidus organiques. La valorisation de cette biomasse est pourtant une piste à explorer. « Elle nécessite des études approfondies », prévient Wolfgang Bauer, dirigeant du fabricant de chaudières Polytechnik.
Première étape pour estimer la rentabilité d'un investissement : analyser le pouvoir calorifique inférieur (PCI) du combustible. Les différences entre matériaux sont nettes. Le PCI des coques de noisettes brûlées est supérieur à 16,8 MJ/kg tandis que celui de la bagasse, le résidu de la canne à sucre, est d'environ 7,8 MJ/ kg d'après les études de Cnim, un spécialiste de la valorisation énergétique qui a construit près de deux cents installations à partir de biomasse. Mais attention, deux résidus apparemment identiques peuvent présenter des caractéristiques différentes, notamment du fait de leur taux d'humidité. L'analyse chimique permet par ailleurs de tester la qualité du résidu. Exit par exemple la biomasse trop chlorée ou chargée des produits de nettoyage ayant servi lors du procédé de transformation industriel.
Ensuite, c'est la combustion elle-même qui doit être analysée. A priori, « la biomasse engendre peu de cendres incombustibles, typiquement 3 à 4 % », estime Alain Riou, chef de projet chez Cnim. Mais encore faut-il définir les bons paramètres de combustion, en particulier la température du foyer qui doit être adaptée à la ressource. Trop élevée, elle risque de produire des cendres collantes et corrosives, qui vont détériorer rapidement l'installation, et des résidus de type mâchefers, difficiles à éliminer.
La troisième étape consiste à évaluer le gisement de combustible pour voir si l'approvisionnement de la chaufferie sera suffisant et régulier. Si la production est saisonnière, car liée à une culture, et si sa conservation est difficile, l'investissement risque fort de ne pas être rentable. À moins de miser sur un autre combustible le reste de l'année : des copeaux de bois de la filière forestière, voire une énergie fossile comme le gaz ou le fioul. Une installation peut très bien s'appuyer sur plusieurs ressources, brûlées successivement. C'est le cas de la plupart des projets de l'industrie agroalimentaire mais, alors, l'installation doit être adaptée à chacun des combustibles. « Il faut donc savoir dès le début tout ce qu'on va utiliser pour définir le dimensionnement du foyer, le temps et le procédé de combustion », explique Alain Riou.
Parallèlement à la conception de l'installation de combustion, il faut anticiper l'utilisation de la chaleur produite. Et là encore, le résultat des analyses est essentiel. Impossible, par exemple, de lancer un procédé de cogénération et de produire de l'électricité avec de la paille : avec une température de combustion de 600 °C, le rendement serait insuffisant. La production de chaleur à basse température est alors plus appropriée. Mais cette fois, c'est la rentabilité qui risque d'être faible si les débouchés immédiats de la vapeur ou de l'eau surchauffée manquent.
Dans le calcul économique, reste enfin à ajouter des paramètres organisationnels que les seules analyses des constructeurs et cabinets d'études ne prennent pas en compte : faut-il construire une nouvelle aire de stockage ? Affecter du personnel à la gestion de la chaufferie pour déplacer ou broyer le combustible ? Etc. « C'est une démarche très individuelle ! » conclut Wolfgang Bauer.