Le secteur hospitalier ne peut faire l'impasse de l'environnement : consommation importante de ressources, production de déchets, rôle d'employeur et mission de service public. Mais comment conjuguer qualité des soins, exigence de sécurité et principes d'écoresponsabilité ? Comment intégrer le management durable dans les organisations complexes des hôpitaux aux budgets tendus ? Tels sont les défis que doivent relever les responsables développement durable du secteur.
Très souvent, il n'y a pas eu de création de poste. La mission a été confiée à un salarié proche de la direction générale. Un poste qui va de paire avec l'orientation stratégique des hôpitaux. Directrice adjointe de la direction des travaux et des services techniques du CHU de Rouen, Marie-Laure Autard travaille sur la partie architecturale du Plan hôpital 2012 et du développement durable depuis l'année dernière. « Même si cette activité pourrait m'occuper un temps plein », reconnaît-elle. À l'AP-HP, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Jean-Rémy Bitaud, en charge de l'intégration du développement durable (DD), s'occupe aussi de la modernisation des hôpitaux. « C'est une démarche transversale qui doit être intégrée à l'ensemble des décisions, précise-t-il. Le DD doit permettre de pérenniser l'activité. » Dans les comités de pilotage, direction générale, services techniques et personnel soignant discutent des projets à mettre en place. La diversité des métiers complique parfois la tâche. « C'est vrai que les personnels soignants sont complètement centrés sur les soins, le reste passe au second plan, reconnaît Marie-Laure Autard. Si le niveau d'implication dépend souvent de la sensibilité personnelle, le DD commence à entrer plus globalement dans les moeurs. » À cela s'ajoute une organisation particulière des hôpitaux. « Il y a des logiques propres à chaque corps de métier, explique Pascale Combes, responsable développement durable au CHU de Bordeaux. C'est complexe de bâtir des ponts entre elles. »
Les responsables développement durable font ainsi la chasse au gaspi, pas forcément une habitude dans les hôpitaux. Or, selon la taille des établissements, les économies peuvent être gigantesques. « 20 % de la consommation en énergie vient de l'éclairage. Aujourd'hui, nous avons déjà montré qu'il est parfois possible de diminuer de 77 % ce poste », explique Marie-Laure Autard. Le CHU de Rouen planche aussi sur l'eau. « Nous lavons 12 tonnes de linge par jour, ce qui consommait 15 litres d'eau par kilo de linge. Nous sommes passés à 6 litres : les gains à la clé sont énormes », poursuit la responsable DD.
Autre point majeur : la gestion des déchets. « Le meilleur déchet est celui que l'on ne produit pas, constate Jean-Rémy Bitaud. La pratique de l'usage unique est forte en secteur hospitalier, par précaution certes, mais, parfois aussi, par confort. Il faut faire évoluer les mentalités. » Sur ce sujet, la formation du personnel s'avère majeure. « Nous mettons en place une déchèterie à deux kilomètres de l'hôpital, explique Marie-Laure Autard. Elle comprend une quinzaine de filières. La valorisation de ces déchets peut être intéressante financièrement, mais à condition que le tri soit correctement fait. Le moindre déchet souillé dans la mauvaise filière peut coûter très cher. Or, il n'est pas simple de sensibiliser 9 000 salariés. » Le centre hospitalier d'Angoulême pilote, à la demande de l'agence régionale d'hospitalisation, un groupe de travail qui va élaborer un cahier des charges sur les déchets d'activités de soin à risques infectieux, à l'usage d'une vingtaine d'établissements de santé de la région Poitou-Charentes pour une production d'environ 1 800 tonnes. « La mise en route effective est prévue pour juin 2010 », indique Jean-Pierre Thomas, du service environnement du CH d'Angoulême.
Les déplacements depuis et vers les hôpitaux préoccupent aussi le responsable DD. Dans ce cadre, le CHU de Bordeaux met en place un plan de déplacements, destiné à réduire les gaz à effet de serre. « Incitant par exemple au covoiturage et visant à l'amélioration des transports en commun autour du centre hospitalier, ce projet vise aussi l'amélioration de la sécurité des trajets des 14 000 salariés et le confort des usagers », indique Pascale Combes.
Faut-il disposer d'une formation initiale dans le secteur de la santé pour devenir l'homme vert des hôpitaux ? Pas nécessairement. « Il faut fédérer les professionnels autour du développement durable, indique Pascale Combes. On ne fait pas leur métier à leur place. »