À l'heure où le véhicule électrique ou hybride suscite toute l'attention des pouvoirs publics et des industriels, n'oublions pas les autres moyens de réduire l'impact des transports, notamment les carburants peu polluants. À l'instar de l'hythane ou des huiles végétales pures. Et les collectivités locales jouent un rôle moteur pour expérimenter et favoriser le développement de ces carburants « alternatifs ». Mais les utiliser reste un acte militant : ils sont généralement plus chers que leurs équivalents pétroliers.
C'est le cas de l'hythane, actuellement quatre fois plus coûteux que le GNV. Cela n'a pas freiné la communauté urbaine de Dunkerque, qui termine une expérimentation de trois ans menée avec GDF et six partenaires publics et privés sur ce carburant composé à 80 % de gaz naturel et à 20 % d'hydrogène. Ce projet, baptisé Althytude, a coûté 4,5 millions d'euros. « L'autorisation d'utiliser de l'hydrogène a été plus longue à obtenir que prévu (deux ans et demi au lieu d'un). Nous n'avons eu que six mois pour réellement essayer l'hythane, dans des bus à vide, puis avec des passagers sur 40 000 kilomètres, précise Frédérick Mabille, directeur énergie à la communauté urbaine de Dunkerque. Les premiers résultats sont très positifs : nous n'avons eu ni incident ni corrosion sur les bus. Les chauffeurs ont apprécié le meilleur tonus du moteur et les passagers étaient satisfaits. » Côté technique, il a suffi de reprogrammer la carte électronique définissant les injections pour que les bus au GNV acceptent ce nouveau carburant. Côté environnement, les émissions de CO2 ont diminué de 8 % par rapport au GNV et celles d'oxydes d'azote de 10 %. Une baisse notamment due au fait que l'hydrogène est obtenu par hydrolyse de l'eau grâce à l'électricité produite par une éolienne. « Nous allons prolonger l'expérience pendant six mois, indique Frédérick Mabille. Ensuite, nous envisageons de convertir notre flotte de bus lors du renouvellement du marché prévu en 2012, mais la décision n'est pas encore prise. »
Un carburant alternatif peut aussi être un composé existant, mais produit de manière différente. Ainsi, Veolia propreté a mis en service, fin 2009, une unité de production de méthane carburant à partir de biogaz issu de décharge, identique au GNV d'origine pétrolière. « Ce pilote de recherche fonctionne parfaitement, et nous dresserons un bilan technique complet dans six mois, souligne Pascal Peslerbe, directeur des activités traitement et valorisation de Veolia propreté Île-de-France. Ce méthane alimente les véhicules de notre site de Claye-Souilly (77) et les bennes à ordures de la commune, ainsi que des véhicules des collectivités locales voisines. Nous pourrions alimenter 200 véhicules légers si une telle flotte était disponible. » Le biogaz, composé pour moitié de méthane, doit être purifié. Actuellement, Veolia teste deux technologies d'épuration, l'une par traitement membranaire, l'autre par adsorption. « L'objectif est de montrer que nous savons épurer le biogaz, ce qui nous permettrait d'envoyer notre biométhane dans le réseau de gaz naturel. »
La communauté urbaine de Lille espérait également utiliser le biogaz produit lors de la méthanisation des déchets ménagers pour alimenter des véhicules, mais le projet a été bloqué faute d'autorisation administrative.
En fait, le carburant alternatif le plus avancé est le HVP, pour huiles végétales pures. Une bonne dizaine d'expériences sont recensées par l'Institut français des huiles végétales pures (IFHVP). Et pour cause : elles favorisent les filières agricoles locales. Il suffit que les agriculteurs s'équipent d'une presse et d'un filtre pour produire de l'HVP à partir de tournesol ou de colza. « Nous collectons les HVP dans un rayon de 15 kilomètres. Cela apporte aux agriculteurs un complément de revenus, et les tourteaux coproduits sont utilisés en alimentation animale, indique Marie-Line Popineau, directrice du service cadre de vie et environnement à la communauté de communes du Grand Villeneuvois (47). Sa collectivité alimente avec de l'HVP neuf véhicules utilitaires et bennes du service déchets depuis 2005, sans conséquence pour leur moteur. « Les avantages des huiles végétales pures sont multiples : c'est un carburant renouvelable, non toxique, qui n'émet pas davantage de polluants locaux que les carburants traditionnels, et très peu de CO2 sur son cycle de vie, estime Marie-Line Popineau. D'ailleurs, nous sommes si satisfaits de cette expérience que nous allons y inclure 24 nouveaux véhicules, notamment deux de transport public. » Reste à faire évoluer la législation, car, pour l'instant, l'HVP n'est pas autorisée pour les transports en commun.
L'HVP a un inconvénient : il se fige à basses températures. Ce qui implique que les véhicules l'utilisant de manière exclusive soient stationnés dans des hangars, à l'abri du froid, et que les camions de voirie l'évitent. Mais la part d'HVP peut être réduite lorsque la température extérieure diminue, car il peut être utilisé en mélange à 30 % sans modification du moteur Diesel. Pour adopter ce carburant, la collectivité peut compter sur l'aide de l'Institut français des huiles végétales pures ( IFHVP). « Nous effectuons des études de faisabilité, nous recherchons les agriculteurs prêts à fabriquer les HVP à proximité, nous apportons une aide sur le choix des véhicules et sur les démarches administratives et réglementaires, nous fournissons des recommandations techniques », énumère Jacques Vialettes, chargé de projets à l'IFHVP.
Côté financier, l'HVP est paradoxalement moins avantageux que le gazole depuis qu'il a été reconnu comme carburant (directive européenne 2003- 30). Sa TVA est alors passée de 5,5 %, comme pour tous les produits agricoles, à 19,6 %, et il est soumis à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TIC, qui a remplacé la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP). Et comme la TIC est payée a posteriori, cela nécessite une traçabilité des consommations. « Et, tous les ans, nous devons faire contrôler les émissions des véhicules », souligne Marie-Line Popineau. Enfin, l'utilisation des HVP est encadrée par les douanes depuis 2007 : il faut passer un protocole avec elles et l'État pour utiliser ce carburant. « L'aspect administratif est un peu contraignant », témoigne Marie-Line Popineau.