De s panneaux s olaire s couplés à … une cuve d'h y d r o g è n e. Le centre aéré de la Croix-Valmer, dans le Var, va « rendre int e lli gente la production d'électricité photovoltaïque », se r é j o u i t son m a i r e, François Gimmig. Conc rè tement, la munic ipalité veut stocker l'électricité solaire en produisant de l'hydrogène. Pour y par venir, Areva va lui livrer un k i t complet : un é l e c t r o l y s e u r (pour p r o d u i r e l'hydrogène à par tir de l'él ectricité), une cuve (pour stocker l'hydrogène), une pile à combustible (pour retransformer l'hydrogène en électricité) et un logiciel de pilotage. Couplé à une installation photovoltaïque de 180 m² (35 kWc), cet équipement off r ira une autonomie de hu i t heures au s i t e. « L'objectif suivant sera de mailler plusieurs bâtiments dans la ville », prévoit François Gimmig. D'un montant d'un million d'euros, le premier é qu i p e m e nt est à 80 % f i n a n cé par des a i d e s (Feder, A d e m e, Région, Département). Il ne sera cer tes op érationnel qu'en 2013. Mais il illustre dé jà combien le stockage de l'électricité renouvelable par hydrogène de vient une réalité tangible.
Autre exemple, dans le nord-est de l'Allemagne, E.ON a lancé la construction d'une installation couplant des éoliennes au réseau de gaz. L'année prochaine, l'électricité p r oduite en excès de vrait y ê t re co nv e r t i e en hy d ro gè n e, lui-même i njecté dans le réseau de gaz traditionnel.
D a n s la f a m i l l e du stockage de l'él e c t r i c i té, l'hydrogène est une solution c o m p l é m e n t a i r e aux autres. « Les b atter ie s et les v o l a n t s d'inertie stockent peu d'é n e r g i e, m ai s réagissent rap i dement qu and il s sont sollicité s. À l'inver se, les b ar rage s hydrau lique s et l'air compr imé stockent de g rande s quantités, m ai s plus l e n t e m e nt, situe N i co l a s Bardi, chef du département des technologies biomasse et hydrogène au CEA L iten. L'hydrogène o ccup e une position intermédiaire. » Son intérêt majeur est de dé coupler p u i s s a n c e et é n e r g i e. La t a i l l e du ré s e r v o i r fixe le n o m b r e de k i l o w a t t h e u r e s stockables. Le di m ens ionnem ent de l'électrolyseur et de la pile à combustible détermine la capacité à, respectivement, p r é l e v e r et i n j e c t e r de l'él ectricité. Ce s paramètres peuvent ê t re aj u s té s distinctement. Ce qui c o n f è r e au s t ockage par hydrogène une certaine souplesse d'utilisation et donne l i e u à un n o m b r e croissant d'applications.
Plusieurs besoins peuvent le justifier : lisser la production des sources intermittentes, ou alimenter en électricité des zones d i f f i c i l e s d'accès ( m o n t a g n e s, déserts, parcs naturels), ou encore soutenir le réseau là où il est trop sollicité. Situé e sur la presqu'île de Saint-Tropez, la Croix-Valmer voit, par exemple, sa population g r imp er de 3 500 p ers onnes en hiver à 30 000 en été. Le réseau actuel peine à supporter cet afflux de touristes consommateurs. Le c o u p l a g e du photovoltaïque à l'hydrogène a i d e r a à r e m é d i e r aux coupures d'électricité.
Preuve de l'intérêt suscité par ce mode de stockage, l'Office parlementaire d'é valuation des choix scientifiques et techniques a lancé une étude sur l'hydrogène comme v e c t e u r énergétique. « Notre ambition est de situer la France par r a p p o r t aux autres p a y s sur ce sujet, en ter me s d'impact e n v i r o n n e m e n t a l comme d'i n dépendance énergétique », v is e le dé pu té de Mo s el l e, L aurent K a l i n o w s k i, co - rapporteur de l'étude avec le sé nateur du Tarn Jean-Marc Pastor. Ils chercheront aussi à dessiner le contour d'une nouvelle filière industrielle. Car, a u x côtés des gé ant s de l'énergie comme Areva et le CE A, de jeunes pousses se positionnent. Le lyonnais WH2 se définit comme « un futur producteur d'hydrogène vert à partir des énergies renouve lables ». Il lorgne en particulier sur la petite hydraulique.
McPhy Energy a développé, dans la Drôme, une technologie de stockage d'hydro gène sous forme s o l i d e, par des d i s q u e s d'hydrure de m a g n é s i u m. En stockant les électrons à l'échelle de la journée, sa solution contribuera à é crêter les pics de production d'électricité et à faire coïncider l'offre et la demande. « Nous avons livré nos premiers p r o t o t y p e s commerciaux en 2 0 1 1, n o t amm e n t à l'é n e r g é t i cien italien Enel », signale Pascal Mauberger, son P-D G. Fondé e en septembre dernier, la société A t a w e y couple, elle, le procédé McPhy à des batteries lithium-ion. Elle profite de la réactivité des batteries et, en même temps, de la compacité et de la stabilité dans le temps de l'hydro gène. A t a w e y installera cet h i v e r son premier d é m o n s t r a t e u r à Grenoble. « L'objectif est de vendre nos premiers produits en 2013 », vise Jean-Michel Amaré, son président fondateur.
Ces solutions se distinguent selon que l'hydrogène est stocké sous forme gazeuse (Areva) ou solide (McPhy). Si la première est plus m atu r e, elle est l i m i t é e par la puissance (50 kW) de sa pile à c o m b u s t i b l e, en l'o c c u r r e n c e une technologie à m e m b r a n e d'échange de p r o t o n s. « En associant plusieurs unités, nous pouvons monter jusqu'à des ins tallations de 1 MW », nu a n ce J é r ô m e Gosset, d i r e c t e u r de l'activ ité énergie et hydrogène d'A re v a. L a solution solide de McPhy p r é s e n t e l'avantage d'être utilisable à basse pression (quelques bars contre plusieurs dizaines en phase gazeuse), donc d'é viter les étapes de compression et de dé tente du gaz. Elle vise d'e m b l é e des p r o j e t s de g r a n d e s dimensions. Avec un consortium d'industriels (Enel, Hydrogenics …), la PME a lancé cet été le projet Ingrid. Il s'agit d'un d é m o n s t r a t e u r raccordé au réseau à l'ext ré m i té s u d de la p é n i n s u l e italienne, dans la r é g i o n des Po u i l l e s. En c o u r s de conception, les équipements seront installés à la fin 2013 ou au début 2014. « Située en bout de réseau, cette zone s'avère fra g i l e comme l'e s t en Fr a n c e la Bretag ne, d'autant que de nom breu se s sources inter mittente s, p h o t o v o l t a ï q u e s et é o l i e n n e s, y sont raccordées », p r é s e n t e Pascal Mauberger. D'une durée de quatre ans, le projet re p résente un i n v e s t i s s e m e n t de 23,9 millions d'euros. Imaginez cinq à di x conteneurs de v ing t pieds, soit environ 6 mètres de longueur chacun, pour 2,5 m de hauteur et de largeur. « Ils stocke ront une trentaine de mégawatt heures électriques sous la forme d'une tonne d'hydrogène solide », décrit le dirigeant. L'objectif est de prouver en grandeur nature la possibilité de lisser à l'échelle de la journée l'inj e c t i o n d'électricité renouvelable. Un travail sur la pré v ision de la mé té o et de la consommation sera aussi mené pour optimiser le couple injection-stockage.
Si les technologies à hydrogène g a g n e n t en m a t u r i t é, t o u t e s les c o n d i t i o n s ne sont n é a n m o i n s pas r é u n i e s pour leur e ss or. Areva di s cu te ai nsi avec l'administration pour faire évoluer une réglementation initialement établie pour des installations industrielles, où l'hydrogène est produit en grande q u a n t i t é puis t r a n s p o r t é. En outre, le modèle économique du stockage d'électricité requiert de nouvelles règles du jeu pour le marché de l'énergie (voir encadré). « Mais l'hydrogène possède un atout. Il a de la valeur pour l'in du s t r i e, pour l'au t o m ob il e, pour l'inj e c t i o n dans le réseau de gaz, pointe Nicolas Bardi, du CE A. Hybrider les usages facili tera la construction de modèles économiques. » À condition de faire converger les intérêts.