C'est l'un des plus grands points de discorde potentiels de la COP 21. Le financement de l'atténuation et de l'adaptation des pays en développement aux conséquences du changement climatique alimente encore d'importantes tractations alors que les engagements, énoncés la première fois lors de la Conférence de Copenhague en 2009, n'ont pas été suivis d'effets.
Pourtant, les pays en développement ne cessent de le clamer : le financement de leur adaptation aux impacts du changement climatique est une priorité ab-so-lue. Les émissions de gaz à effet de serre sont de la responsabilité principale des pays développés alors que les conséquences les plus graves sont supportées par les pays les plus pauvres : dégradation de la production agricole, insécurité alimentaire et sanitaire, raréfaction des ressources en eau… Selon le dernier rapport mondial de l'adaptation du programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue) publié au printemps 2015, il faudrait mobiliser 7 à 15 milliards de dollars par an pour aider les pays africains.
À l'échelle de tous les pays en développement, la facture atteindra 150 milliards de dollars par an d'ici à 2025, et oscillera entre 250 et 500 milliards par an en 2050. Tout cela avec un scénario de hausse des températures de 2 °C, déjà réputé difficilement tenable.
Certains pays en développement se sont engagés eux-mêmes dans ce combat. En 2029 ou 2030, selon le Pnue, le Ghana pourrait consacrer 233 millions de dollars à l'adaptation. L'Afrique du Sud, pays le plus riche du continent, serait en mesure de mobiliser 961 millions de dollars. Des montants considérables, mais toujours insuffisants pour combler le fossé de financement. Ce qui rend indispensable la mise en œuvre effective des mécanismes internationaux, impliquant les pays développés.
Annoncé lors de la Conférence de Copenhague dans le but d'en faire le porte-étendard financier de la lutte contre les conséquences du réchauffement climatique, le Fonds vert n'est opérationnel que depuis 2014 et ses caisses peinent à se remplir. En avril 2015, seulement 33 pays avaient fait des promesses de dons, à hauteur de 10,2 milliards de dollars pour une période de quatre ans, dont 42 % seulement ont été transformées en accords de contributions qui les lient juridiquement. Or, le feu vert au soutien des premiers projets engagés par le Fonds vert ne peut être donné que si la moitié des promesses se sont converties en réels dons ou prêts.
Autant dire que la barre de 100 milliards de dollars de financements par an, annoncée en 2009 à Copenhague à l'horizon 2020, paraît de plus en plus hors de portée. « Nous sommes très loin des promesses. Pire, les pays comptent deux fois les sommes qu'ils engagent en faveur du développement et du climat ou prennent dans les fonds réservés à un domaine pour les dépenser dans l'autre », appuie Marion Richard, responsable climat et développement du Réseau Action Climat France. Au-delà des fonds eux-mêmes, c'est donc toute l'organisation et la gouvernance de cet outil de financement qui souffre d'un déficit criant. « Nous réclamons depuis des années qu'une feuille de route claire et transparente soit établie, détaillant les étapes à franchir pour atteindre les 100 milliards de dollars par an promis d'ici à 2020. Elle devrait aussi préciser la nature des financements, publics ou privés, mais aussi leur méthode de comptabilisation. Ces informations sont indispensables pour diriger efficacement les fonds et suivre leurs usages », ajoute Marion Richard. Pour les ONG, les dons sont l'outil le plus juste et le plus efficace. Mais dans la pratique, les quelques financements engagés sont des prêts qui devront être remboursés par les pays bénéficiaires. Aujourd'hui, aucune ligne claire ne marque ce qui doit relever du don ou du prêt.
Également impliquées dans la lutte contre les effets du changement climatique, vingt-deux banques publiques internationales du développement, comme l'Agence française du développement (AFD) ou son homologue allemande KfW, ont constitué début 2015 l'International Development Finance Club (IDFC), pour tenter d'harmoniser leurs actions.
« L'un de ses premiers travaux a été de définir le plus précisément possible ce qu'est un projet climat », explique Pierre Forestier, responsable de la division changement climatique de l'AFD. Comme il le reconnaît, « il est primordial d'avoir le même langage. D'une part, afin de pouvoir définir une stratégie globale, d'autre part, afin d'être capable de mesurer et de vérifier objectivement le réel bénéfice des projets financés. Il en va de la crédibilité des discussions internationales ». Des travaux ont été engagés pour définir un « cadre permettant d'orienter le plus efficacement possible les financements. Il s'agit de définir un corpus de principes avec le plus large consensus, portant sur la stratégie, les instruments de mesure, les discussions avec les contreparties (ONG…) et le suivi. En l'absence d'une référence pouvant être le prix de la tonne de CO2, ces principes peuvent servir de guide », avance Pierre Forestier. Des avancées pourraient être annoncées avant la COP 21.
Si ces fonds publics sont difficiles à mobiliser en raison de la crise économique, prétextent souvent les États, la participation du secteur privé au financement de l'adaptation climatique l'est encore plus. Les États n'ont pas la main sur ce relais, sinon de recourir à l'arme fiscale. Mais trouver un consensus est extrêmement compliqué, un pays pouvant choisir, pour des raisons qui lui sont propres ou par opportunisme économique, de faire cavalier seul au risque de faire vaciller l'unité indispensable à l'efficacité de la mesure. La taxe sur les transactions financières, appelée par de nombreuses ONG à devenir l'outil de financement de l'adaptation climatique, suscite toujours autant de débats dans l'Union européenne par exemple. À ce jour, seuls onze pays, dont la France et l'Allemagne, se sont dits prêts à en mettre une en œuvre, sans arriver à s'accorder sur ses contours. Selon les estimations, cette taxe, appliquée dans ces onze États, rapporterait entre 24 et 30 milliards d'euros, dont 6 à 10 milliards rien que pour la France. Ces recettes supplémentaires ne coûteraient rien aux finances publiques. Autre piste poussée par les ONG : la réorientation des subventions dont peuvent bénéficier aujourd'hui à travers le monde les énergies fossiles vers le financement du développement des énergies renouvelables. l