L'Ademe a enfin publié son étude prospective sur un mix énergétique 100 % renouvelable en 2050 (voir le n° 33 de ce supplément hebdomadaire). Parmi les questions les plus sensibles, figure le coût des différentes technologies. D'autant que les énergies renouvelables se voient souvent reprocher d'être particulièrement onéreuses. L'Ademe a donc consacré un cahier entier à l'analyse des coûts… tout en soulignant combien une telle projection s'avérait un exercice complexe. Comme le souligne l'agence, « il s'agit ici d'une étude scientifique à caractère prospectif et exploratoire et non pas d'un scénario politique. Les mix électriques envisagés restent en effet théoriques, puisqu'ils sont construits ex nihilo, et ne prennent pas en compte la situation actuelle, ni le scénario pour arriver au résultat ». De quoi relativiser les résultats, cette étude ressemblant plus à une entreprise de sensibilisation visant à « mettre en lumière les freins ainsi que les mesures à prendre pour accompagner une politique de croissance massive des énergies renouvelables électriques ».
L'Ademe présente néanmoins deux scénarios technologiques. L'un est baptisé PTI, pour « progrès technique incrémental » et prévoit des évolutions technologiques modérées. L'autre est le scénario PTE, pour progrès technologique évolutionnaire, plus optimiste. Des scénarios plus pessimistes ont également été envisagés, mais ne sont pas présentés dans ce cahier. Pour mener ses calculs, l'Ademe a utilisé différentes sources en plus des siennes, notamment celles de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), de l'Agence internationale des énergies renouvelables (Irena) ou de l'institut allemand Fraunhofer. Bien sûr, tous ces calculs reposent sur des hypothèses, notamment sur le taux d'actualisation, permettant de comparer des investissements sur des durées différentes. Chaque filière se voit également attribuer ses propres hypothèses, par exemple une durée de vie de vingt ans et 2 150 heures de fonctionnement à pleine puissance pour l'éolien terrestre.
Prenons par exemple le scénario PTI. Dans ce cas, ce sont les centrales de cogénération en méthanisation qui produiront l'électricité renouvelable la moins chère en 2050 : 5,1 centimes d'euros par kilowattheure. Elles sont suivies de la géothermie profonde des réservoirs fracturés (5,7 centimes), du photovoltaïque au sol et de l'éolien terrestre (6 centimes), de l'éolien offshore posé et de la cogénération au bois (8 centimes) et du photovoltaïque en toiture (8,5 centimes). L'éolien flottant restera coûteux, à 10,7 centimes, et le solaire à concentration inabordable (29,8 centimes). Cependant, si l'on regarde les gisements estimés par l'Ademe, ce sont l'éolien terrestre (174 GW) et surtout le photovoltaïque en toiture (364 GW) qui se tailleront la part du lion. Loin derrière, le photovoltaïque au sol (47 GW) et l'éolien flottant (46 GW) auront aussi un rôle à jouer.
Par ailleurs, pour parvenir à un mix électrique 100 % renouvelable, il ne suffit pas de juxtaposer toutes ces énergies. La plupart d'entre elles sont intermittentes et il faut donc également prendre en compte le coût de leur stockage à court terme. Certes, L'Ademe prévoit un large pilotage par la demande, mais cela ne suffira pas à compenser l'intermittence de ces énergies. Sur l'ensemble du gisement estimé (389 GW), seuls 13 GW sont pilotables (essen tiellement l'hydroélectricité), auxquels
il faut ajouter la cogénération au bois ou au méthane renouvelable (pour ce dernier, l'Ademe n'estime pas le gisement). Les besoins de stockage seront donc très forts dans un scénario 100 % renouvelable, et leur coût en conséquence. L'Ademe se base sur le coût du stockage par air compressé (Compressed air energy storage, CAES), dont l'investissement est estimé à 753 euros/kW. Mais elle ne semble pas intégrer dans ses calculs des coûts des pertes d'énergie lors du stockage et du déstockage, qui ne sont pourtant pas négligeables. L'Ademe ne prend pas non plus en compte le coût du renforcement du réseau nécessaire pour accueillir cette électricité. Cette étude doit encore être affinée, pour prouver réellement que les énergies renouvelables peuvent jouer un rôle clé en 2050.