Quatre mois après la COP21, quelle est l'ambiance dans les négociations internationales sur le climat ?Pierre Cannet : La signature de l'Accord de Paris est l'un des grands rendez-vous sur le climat de l'année avec une représentation politique de haut niveau. Cette signature est l'occasion de raccorder l'Accord de Paris à la réalité du terrain. Le monde de l'énergie vit une profonde transformation depuis deux ou trois ans. A l'image des investissements dans l'électricité renouvelable, on perçoit une dynamique à l'échelle mondiale. Mais des freins subsistent. On l'a vu aux États-Unis, où la Cour suprême a suspendu en février le plan pour une énergie propre de Barack Obama. De son côté, l'Union européenne peine à revoir à la hausse son objectif de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre pour 2030. Au Canada, même si le nouveau Premier ministre a replacé le climat dans l'agenda politique, le lien reste à faire entre les niveaux fédéral et régional. Rien n'est donc acquis. Les rapports de force persistent. Ils vont même s'accentuer. A mesure que des coalitions se forment pour lutter contre le changement climatique et font parler d'elles, des crispations apparaissent.Quels points faut-il encore régler ?Pierre Cannet : Il y a d'abord le cas des transports aériens et maritimes internationaux, qui ont été exclus de l'Accord de Paris. Nous attendons des décisions de l'Organisation internationale de l'aviation civile à l'automne prochain pour trouver un cadre mondial de réduction des émissions dans ce secteur. Nous poussons à l'adoption d'une feuille de route compatible avec la limitation du réchauffement à +1,5°C. Ensuite, avant l'entrée en vigueur de l'Accord de Paris, il va falloir en poser les fondations. A quoi ressembleront les bilans nationaux qui doivent enclencher la révision à la hausse des contributions ? Le premier bilan est attendu dès 2018. Quelle est la feuille de route pour atteindre au moins 100 milliards de financement par an, à partir de 2020, au bénéfice des pays en développement ? Des précisions doivent aussi être données sur le terme équité qui apparaît dans l'accord. Que signifie-t-il ? Les pays vont également discuter de transparence. Quelles données ? Quelle revue par les pairs ? Quel appui aux pays qui en auront besoin ?Quelle sera la portée de la cérémonie de signature à New York ?Pierre Cannet : Les trois mots clés sont : signature, ratification et action. La signature de l'Accord de Paris a une portée symbolique. Elle vaut engagement des pays. Ensuite, viendra le temps de la ratification. La déclaration d'intention vaudra alors contribution. Sa mise en œuvre suppose de relever l'ambition. François Hollande l'avait d'ailleurs annoncé en décembre lors de son discours à la fin de la COP21. Dès ce 22 avril, la France doit démontrer que l'action est engagée sur le plan national, mais aussi entraîner une dynamique internationale. Par exemple, en lançant une coalition des pays qui veulent aller plus loin. Au niveau européen, c'est possible avec des États comme le Portugal, l'Autriche, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède ou la Finlande. Lors de la présentation de son plan quinquennal en mars, la Chine a également dit qu'elle souhaitait aller plus vite. Les américains, eux, vont pousser pour une ratification rapide plutôt qu'une révision de l'ambition.Les initiatives lancées lors de la COP21 ont-elles été utiles ?Pierre Cannet : Cet Agenda de l'action est très important. Au total, 71 initiatives ont été lancées lors de la COP21. Elles permettent d'intégrer la société civile à la lutte contre le changement climatique. L'enjeu consiste à les structurer pour qu'elles aient un effet. Par exemple, quelle suite donner à la réunion des 700 maires en décembre à Paris ? Ce 22 avril, une séance plénière sera consacrée à toutes ces initiatives dont l'impact n'est pour l'instant pas mesurable. L'idée est de faire un point d'étape sur la manière dont elles ont avancé. L'une d'entre elles, par exemple, prête à débat. Il s'agit de l'initiative portée par les pétroliers pour réduire les émissions de méthane dans leur activité. C'est combler les brêches d'un secteur qui a largement contributé au dérèglement du climat. Il y a bien mieux à faire. Une journée de l'action est aussi prévue au Maroc en fin d'année lors de la COP22. Ce sera là-aussi l'occasion de renforcer les critères de sélection, de définir les modalités de suivi et de reporting. Qui portera cet Agenda de l'action ? Comment le péreniser ? Comment éviter les effets d'annonces ? C'est un sujet essentiel. La COP21 a montré le lien étroit entre l'engagement des pays dans ces iniatives et leur contribution à l'Accord. Prenez l'Inde. Avant la COP21, certains la présentaient comme la mauvais élève. Elle est maintenant identifiée comme une championne de l'énergie solaire depuis la création de son alliance internationale. C'est la preuve que les initiatives annoncées lors de la COP21 peuvent avoir un effet d'entraînement sur les négociations.Propos recueillis par Thomas BlossevillePour aller plus loin : retrouvez notre dossier spécial "L'Accord de Paris mis à l'épreuve"