Le redémarrage du secteur éolien depuis deux ans se confirme-t-il ?Matthieu Guérard : Au niveau mondial, le chiffre d'affaires de RES atteint 1,2 milliard d'euros, pour un résultat net de 32 millions d'euros. Avec 10 GW de capacités installées, le groupe a développé 160 projets dans les énergies renouvelables. En France, nous avons réalisé un chiffre d'affaires de 185 millions d'euros en 2015, contre 127 millions l'année précédente. Cette croissance de 46 % est liée à l'intensité de notre activité dans l'éolien terrestre. Nous avons choisi d'adopter un positionnement intégré de développeur, constructeur et exploitant. Historiquement, en France, nous restions propriétaires de la moitié des parcs que nous avions développés. Mais aujourd'hui, nous avons plutôt tendance à les vendre car il existe une très forte demande des fonds d'investissement qui cherchent à diversifier leurs placements. Cela dit, même si nous vendons les parcs, nous continuons à les exploiter. Ainsi, en France, nous avons développé 669 MW de projets éoliens et nous en exploitons, pour notre compte ou pour le compte de tiers, 460 MW. Ce qui fait de nous le deuxième exploitant indépendant, EDF et Engie mis à part, derrière Boralex.Comment se présente l'année 2016 ?MG : Au premier semestre, nous avons mis en service le parc éolien de 22 MW de Bois de la Serre dans l'Aude. Puis celui de 54 MW des portes de la Côte-d'Or, en Bourgogne. Inauguré fin juin, il a nécessité quinze ans de développement et plus de 85 millions d'euros d'investissements. Nous avons aussi démarré la construction de deux parcs, l'un de 12 MW en Haute-Marne et l'autre de 18 MW dans l'Ain. D'ici à la fin 2016, nous aurons aussi lancé trois projets de 12 MW chacun dans l'Aisne, l'Aveyron et le Puy-de-Dôme. Globalement, au-delà de la seule filière éolienne, RES poursuit sa dynamique de croissance. Nous comptions en France un effectif de 180 personnes en janvier et devrions en recruter une vingtaine sur l'année.Que représente l'éolien en mer dans votre stratégie de développement ?MG : C'est une activité importante pour nous. Nous faisons partie du consortium Ailes Marines. À ce titre, nous codéveloppons le projet de parc éolien marin de 500 MW au large de Saint-Brieuc avec Iberdrola et la Caisse des dépôts. Les demandes d'autorisation pour l'installation des machines ont été déposées fin 2015 et nous espérons avoir la réponse de l'administration au 1er semestre 2017. Nous pourrons alors démarrer la réalisation des études géotechniques et signer les contrats avec les fournisseurs, pour une mise en service en 2020… si aucun recours n'est déposé. À plus court terme, il y a l'enquête publique. Elle doit se terminer en ce mois de septembre 2016.Et l'éolien flottant ?MG : Concernant l'éolien flottant, nous nous positionnons plutôt comme fournisseur de services grâce aux compétences techniques de RES offshore, la filiale spécialisée du groupe, et à notre expérience dans le développement local et la concertation. Dans l'éolien en mer, posé comme flottant, les coûts sont relativement élevés et l'équation économique, plus difficile à résoudre. Dans notre plan de développement à long terme, nous estimons qu'il y a encore beaucoup de centrales à installer à terre. Que ce soit dans l'éolien ou le solaire. Cela dit, notre présence dans des projets en mer nous offre de la visibilité et une vraie crédibilité dans le monde de l'énergie.Vous évoquez la filière solaire, mais RES y est moins présent en France que dans l'éolien…MG : Nous avons déjà installé en France une capacité solaire de 17 MW. C'est peut-être moins que d'autres acteurs, mais nous avions décidé de ne pas nous engager trop vite. Avec la baisse des coûts, maintenant que l'économie du solaire se rapproche de l'éolien, nous avons choisi d'accélérer le rythme dans cette filière. À ce stade, nous avons réalisé deux projets dans l'Aude. Le premier de 5 MW dès 2011. Le deuxième représente une puissance de 12 MW. D'ici à 2018, nous prévoyons de doubler notre parc solaire et, pour y parvenir, nous venons de nous doter d'une organisation spéciale en interne. Dans notre plan de recrutement de 2016, nous avons déjà accueilli dix personnes afin de développer cette activité photovoltaïque.Avez-vous des projets solaires en développement ?MG : Nous avons été retenus à l'appel d'offres de la commission de régulation de l'énergie pour trois projets photovoltaïques. L'un de 11,1 MW sur une zone déboisée suite à une tempête en Gironde, pour un parc qui fera à terme 40 MW, un autre de 5 MW sur un centre d'enfouissement technique dans le Gard et enfin une centrale avec trackers de 2,5 MW dans les Bouches-du-Rhône. Leur construction est prévue en 2017. L'objectif à long terme est de disposer d'un mix équilibré entre l'éolien et le solaire. Pour l'instant, notre rythme d'activité atteint près de 100 MW par an dans l'éolien, contre seulement 10 MW/an dans le solaire.Comment RES anticipe la profonde transformation du marché de l'électricité ?MG : La vocation du groupe est d'être opérateur d'énergies renouvelables. Développeur, constructeur, exploitant de centrales, mais aussi fournisseur d'électricité. Sur toute la chaîne de valeur, c'est au contact du client final que se font les plus grandes marges. Jusqu'à présent, les renouvelables bénéficiaient de tarifs préférentiels. Mais avec la disparition programmée du mécanisme d'obligation d'achat, si un acteur ne sait pas commercialiser son électricité, que va-t-il faire ? RES ne veut pas dépendre d'un fournisseur. L'un des premiers parcs éoliens que nous avons construits arrive au terme de sa période d'obligation d'achat. Il nous offre la possibilité de passer à un modèle où nous vendrions directement notre électricité sur le marché. Nous y réfléchissons. Nous nous tournons aussi vers la notion de flexibilité.La flexibilité ?MG : RES vient ainsi de nouer un partenariat avec la société britannique Reactive Technologie afin de proposer une offre d'effacement en France sous la marque RESactive. C'est-à-dire la possibilité pour nos clients de moduler leur consommation et d'être rémunérés pour cela. Notre cible ? Le segment commercial, la petite industrie et, dans l'agroalimentaire, les acteurs présents sur la chaîne du froid. Grâce à un premier contrat avec un acteur de la grande distribution, nous devrions commercialiser nos premiers mégawatts d'effacement à l'automne 2016. Notre stratégie consiste à construire une offre associant effacement, électricité solaire, stockage, voire autoconsommation. En termes de flexibilité, nous pouvons compter sur le savoir-faire du groupe à l'international. En Grande-Bretagne, RES vient en effet de lancer, avec le gestionnaire de réseau National Grid, un service de régulation de fréquence par des batteries. Le groupe va ainsi pouvoir y fournir 20 MW de capacité de régulation.Propos recueillis par Thomas Blosseville