Les réseaux électriques intelligents ne sont plus un simple concept. Énergies renouvelables, compteurs communicants, implication du consommateur… À Lyon et à Grenoble, le projet Greenlys devait aider à poser les premières briques. En définitive, « les résultats sont précieux », estime Karine Dognin-Sauze, vice-présidente de la métropole de Lyon. Le projet a, en effet, permis de tester une série de solutions technologiques.400 expérimentateursDu fournisseur d'électricité au consommateur final, en passant par les équipementiers, « l'ensemble des acteurs et des situations du futur système énergétique était représenté », souligne Christian Vivès, directeur régional du gestionnaire de réseau Enedis (ex ERDF). Le projet a mobilisé 400 expérimentateurs dans le résidentiel et quatre sites tertiaires pour un investissement total de 43 millions d'euros. « Greenlys a abouti à des innovations. Bon nombre sont des premières mondiales, souvent à l'interface des technologies et des acteurs », abonde Nouredine Hadjsaïd, enseignant-chercheur à Grenoble INP.59.000 effacementsLe projet a permis de tester les effacements de consommation et la tarification dynamique, deux outils phares pour gérer l'équilibre du réseau. Pour cela, il s'est appuyé sur l'offre de domotique Wiser de Schneider Electric et sur le compteur communicant Linky. En complément, les consommateurs étaient informés par internet, par leurs tablettes numériques et leurs smartphones. Au total, 59.000 effacements de consommation ont ainsi été réalisés. Mais Greenlys a surtout mis à l'épreuve le fonctionnement intrinsèque du réseau électrique. Grâce à Linky et à un outil appelé Sequoia, « nous avons pu détecter en quelques minutes des coupures d'électricité à la maille la plus fine du réseau », retrace Guillaume Roupioz, chef de projet smart grids chez Enedis. « Et cela, en préservant la confidentialité des données. Nous nous sommes appuyés sur des informations techniques, par exemple des tensions électriques, et non sur les courbes de charge des clients. » Sequoia est un outil de supervision des réseaux de basse et de moyenne tension. Il a pu être testé à l'échelle préindustrielle dans le cadre de Greenlys.Les gisements de flexibilitéLe démonstrateur a aussi été l'occasion d'évaluer l'impact des énergies renouvelables et des effacements. « Des études technico-économiques ont été menées sur les gisements de flexibilité et sur le développement des réseaux intelligents dans un avenir incertain », présente Damien Picault, chef de projet smart grids au laboratoire G2Elab de Grenoble INP. « Ces travaux ont débouché sur la parution de seize publications scientifiques et des innovations dans la régulation de la tension, la prévision de la production photovoltaïque et l'autocicatrisation du réseau, c'est-à-dire sa reconfiguration en cas de problème. » Parmi les outils testés, SmartScan localise les pertes sur le réseau grâce à des capteurs sans fil et sans pile placés dans les postes de distribution. LV Cloud, quant à lui, complète le système d'information géographique du gestionnaire de réseau en remontant des informations comme la production d'électricité solaire.Quatre brevetsDurant l'expérimentation, deux caméras ont scruté le ciel à 360° en continu. Avec les logiciels de la société Steadysun, les déplacements des nuages étaient suivis pour anticiper les variations de la production photovoltaïque. Ces fluctuations peuvent générer d'importantes élévations locales de tension. Des solutions ont donc été conçues pour les réguler. Un « transformateur booster » a notamment fait l'objet de quatre brevets. Couplé à des capteurs et à un système de communication par courant porteur en ligne (CPL), il permet d'ajuster la tension en fonction de données mesurées sur le réseau. Résultat : toutes ces solutions de régulation de tension permettent de multiplier jusqu'à un facteur trois l'intégration des énergies renouvelables.Déploiement à l'horizon 2030Autre outil : Prév'ERDF. Développé avec RTE et le bureau d'études Hespul, c'est un système de prévision des productions éoliennes et photovoltaïques de J-3 à H-15 min. Prév'ERDF agrège des informations remontant de chaque centrale et utilise des données fournies par Météo France, par des satellites et par les caméras qui scrutent le ciel. À signaler aussi, la création d'un portail pour faire le lien entre les effacements de consommation et le gestionnaire du réseau. Également du côté de la demande d'électricité, une borne de recharge rapide a été dotée à Grenoble d'un nouveau système de supervision. Il offre des services tels que le diagnostic et le contrôle à distance d'un parc de bornes. Enfin, l'outil MaldiVE simule la consommation d'un poste de distribution en tenant compte des recharges de véhicules selon des scénarios de déploiement à l'horizon 2020 et 2030. La boîte à outils « smart grid » commence à être bien fournie.Thomas Blosseville