C'était son engagement numéro huit : adopter en 2016 un prix interne du carbone. Nous étions en octobre 2015, la France s'apprêtait alors à accueillir la COP21 et le groupe Suez se fixait douze objectifs sur le climat. Dans sa précédente feuille de route, il avait surtout pris des engagements en termes d'impact sur les ressources en eau. Cette fois-ci, sa nouvelle stratégie devait lui permettre de franchir un nouveau cap en s'appuyant sur trois piliers. D'abord, la baisse des émissions de gaz à effet de serre, en interne et chez ses clients. Ensuite, l'adaptation au changement climatique, un axe toujours centré sur l'eau. Enfin, la création de modèles d'affaires « climato-responsables » permettant « le découplage entre croissance et consommation des ressources ». Le prix interne du carbone constituait la principale mesure concrète de ce troisième volet. Un an plus tard, l'heure est à la mise en œuvre… pas à pas.L'année 2016 aura été celle de la réflexion et des études de cas. « Nous sommes convaincus que les modèles traditionnels sont arrivés à la fin d'un cycle. L'enjeu est maintenant d'intégrer les dimensions environnementales et sociales aux nouveaux modèles. Cela prendra du temps. Il faut rester modeste », prévient Hélène Valade, la directrice du développement durable de Suez. Sur le principe, l'idée est simple : il faut un signal économique pour transformer les activités industrielles. « Mais aujourd'hui, seules 13 % des émissions mondiales sont soumises à un prix du carbone », signale-t-elle. Sans attendre l'évolution de la réglementation, Suez a voulu se doter d'un indicateur pour orienter ses investissements et ses programmes de recherche et développement. D'une part, pour anticiper les risques liés au dérèglement du climat. D'autre part, pour privilégier des projets ayant un impact positif sur l'environnement. Le sujet s'avère de plus en plus stratégique à mesure que les bailleurs de fond internationaux soumettent leurs subventions à ce type de critères.Techniquement, la démarche n'est pas compliquée. « C'est exactement comme intégrer des scénarios d'évolution du prix du pétrole aux taux de retour sur investissement », résume la directrice du développement durable. Cela suppose de se doter d'une expertise dans les bilans carbone, dans les analyses de cycle de vie, dans la prospective économique… Au début de l'année, Suez a lancé des études de cas sur des projets dans les secteurs de l'eau et des déchets, en Europe et à l'international. Il n'en dira guère plus pour l'instant. Un bilan est annoncé à la fin de l’année avant une généralisation l'an prochain. Tout juste le groupe précise-t-il, concernant l'Europe, qu'il suivra une trajectoire de prix menant à 30 euros la tonne de CO2 en 2030. Ailleurs, il a imaginé des scénarios en fonction des mix énergétiques de chaque pays et de l'état de leur réflexion sur le prix du carbone.« Derrière le prix interne, se pose la question de la sensibilisation des collaborateurs du groupe à la comptabilité carbone », observe toutefois Hélène Valade. L'enjeu n'est pas tant technique qu'humain. Pour utiliser un tel outil, « il faut prendre à bras le corps le besoin de sensibilisation », conseille-t-elle. Si la responsable se dit « confiante » et « agréablement surprise » par l'appétence des salariés pour les enjeux climatiques, il existe toujours une forme de résistance au changement dans une organisation comptant 80 000 personnes à travers le monde. L'implication de la direction générale permet peu à peu d'en faire un sujet transversal à la croisée du développement durable, des finances et du commercial. Pour l'ancrer encore davantage dans son quotidien, Suez prévoit de systématiser la réalisation d'un bilan carbone pour toutes les offres proposées à ses clients.Thomas Blosseville