Saint-Gobain le reconnaît volontiers : le prix du carbone a une influence toute relative sur ses projets. Un impact de second ordre, mais qui reste suffisamment significatif pour en généraliser l'utilisation à ses plus gros investissements. Le spécialiste du bâtiment l'assure : « Les entreprises sont de plus en plus convaincues qu'une société décarbonée est source d'activité et d'emplois », justifie Emmanuel Normant, directeur du développement durable de Saint-Gobain. « La mise en place du Business Dialogue, cette plateforme de discussion entre entreprises et gouvernement, en est l'illustration. »L'intérêt n'est pas philanthropique. L'efficacité énergétique constitue une activité essentielle pour Saint-Gobain. A ce titre, « avant même de nous poser la question en interne, le sujet du climat concerne l'évolution de nos marchés ». Pour mieux s'y préparer, après avoir mûri son positionnement en 2015, l'industriel s'est finalement doté de deux prix du carbone. Ils sont fixes. C'est-à-dire qu'ils n'évolueront pas en suivant une trajectoire prédéfinie. Ces deux prix sont vus comme des moyens d'intégrer dans les calculs de rentabilité un montant artificiel lié aux émissions de gaz à effet de serre. Le premier se situe « dans un fourchette allant de 20 à 50 euros la tonne », précise Emmanuel Normant. Il est appliqué aux investissements les plus conséquents, par exemple la construction d'une nouvelle usine ou des projets liés à l'énergie sur des sites existants. Avec un effet immédiat : cet outil a par exemple déjà eu un impact sur le choix du combustible d'une nouvelle unité dans un pays émergent. Sans prix du carbone, le retour sur investissement du charbon aurait été meilleur que celui du gaz. Avec le prix du carbone, c'était l'inverse. « Le gaz a finalement été retenu », indique le directeur du développement durable.En complément, Saint-Gobain s'est doté d'un second prix du carbone, à un niveau « bien supérieur ». Il sert à orienter les budgets de recherche et développement en se projetant au-delà de 2030. Avec ces deux outils, l'industriel cherche à atteindre son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 % d'ici à 2025 par rapport à 2010, à isopérimètre et isoproduction. Mais pas seulement. Ils constituent aussi un moyen d'évaluer l'impact comptable qu'aurait un prix du carbone imposé par la réglementation et d'identifier des opportunités de croissance pour l'entreprise. Ou comment maintenir ses positions dans une économie bas carbone.Thomas Blosseville