A priori, l'Europe se veut ambitieuse. Le 30 novembre, la Commission européenne a présenté son nouveau « paquet énergie-climat ». Elle a formulé une série de propositions en s'appuyant sur le compromis trouvé en 2014 par les chef d' États. Ces mesures portent sur les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique et les émissions de gaz à effet de serre. Mais le chemin vers 2030 est-il pavé de bonnes intentions ?« Le paquet de ce jour va dynamiser la transition énergétique en modernisant notre économie. À la tête de l'action mondiale pour le climat ces dernières années, l'Europe donne aujourd'hui l'exemple en créant les conditions pour des emplois, de la croissance et des investissements durables », défend par communiqué Maros Sefcovic, vice-président de la Commission, chargé de l'union de l'énergie. « Les propositions présentées concernent tous les secteurs de l'énergie propre : recherche et innovation, compétences, bâtiments, industrie, transports, numérique, finance pour n'en nommer que quelques-uns. Ces mesures donneront à tous les consommateurs et entreprises d'Europe les moyens de tirer le meilleur parti de la transition énergétique. »Maintenir la compétitivitéSon collègue Miguel Arias Canete, en charge du climat et de l'énergie, se montre lui-aussi très élogieux : « Nos propositions donnent une forte impulsion sur le marché en faveur des nouvelles technologies, créent des conditions propices pour les investisseurs, permettent aux consommateurs de faire des choix informés et responsables, assurent un meilleur fonctionnement des marchés de l'énergie et facilitent la réalisation des objectifs de l'Union pour le climat ». L'objectif de la Commission est clairement affiché : « Maintenir la compétitivité de l'Union européenne dans le contexte des changements apportés sur les marchés mondiaux de l'énergie par la transition vers l'énergie propre ».Parmi les défenseurs du paquet législatif, figure EDF. L'énergéticien français se satisfait d'une « meilleure intégration de l'électricité d'origine renouvelable », d'un soutien « plus efficace » et de la reconnaissance de « l'utilité » des mécanismes de capacité. Ces mécanismes vont rémunérer les centrales prêtes à produire de l'électricité en cas de besoin, même si elles n'en produisent pas. EDF restera tout de même « attentif » aux débats à venir. Il réclame des règles du jeu pour assurer « une meilleure visibilité à long terme », « une concurrence équitable entre les différents acteurs et entre toutes les technologies ».Une crise de leadershipC'est exactement le raisonnement que dénoncent les ONG environnementales. Pour elles, au contraire, l'heure est venue de faire des choix entre les différentes technologies. « Après l'élection d'un climato-sceptique à la présidence américaine, la lutte mondiale contre le changement climatique traverse une crise de leadership. Pour l'Europe, il y a une opportunité à saisir », signale Benoit Hartmann, porte-parole de FNE. Le nouveau paquet énergie-climat en offrait l'occasion. Mais « la commission européenne prend le mauvais cap », alerte un collectif d'ONG composé de FNE, du Cler, de la fondation Nicolas Hulot (FNH), du Réseau action climat et du WWF.Leurs porte-paroles ne cachent pas leur inquiétude. « La Commission européenne n'a pas pris acte de la formidable dynamique mondiale, de tous les investissements réalisés depuis deux ans, du formidable potentiel des énergies renouvelables et des économies d'énergie », s'exaspère Célia Gautier, responsable des politiques européennes au Réseau action climat. « Il y a besoin de repenser globalement la politique énergétique européenne. Le changement climatique n'épargnera pas l'Europe. Ce seront les plus précaires, les chômeurs, les femmes ou encore les personnes âgées qui seront les plus touchés. » Pour les ONG, le lobby des énergies fossiles et nucléaire a « une fois de plus » réussi à imposer ses intérêts. Ainsi Denis Voisin, porte-parole de FNH, dénonce une politique européenne « incohérente avec l'Accord de Paris ». Et pour Pierre Cannet, responsable énergie et climat au WWF France, « la Commission européenne travaille dans l'intérêt d'un vieux monde sans écouter les citoyens ».Le soutien apporté au charbonRarement le constat des ONG aura été aussi cinglant ces dernières années. Que reprochent-elles à la politique européenne ? D'abord, des objectifs insuffisants pour le développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique. Ensuite, une tendance à remettre en cause les mécanismes de soutien aux renouvelables et leur accès prioritaire au réseau. Enfin, des subventions déguisées aux énergies fossiles et nucléaire. Par exemple, c'est le reproche fait au mécanisme de capacité. « A partir du 1er janvier 2017, non seulement le charbon ne sera pas surtaxé mais, avec le mécanisme de capacité, il va être subventionné », s'étrangle Célia Gautier. Si EDF défend ce dispositif, les ONG y voient un « système de financement des centrales pour qu'elles existent et non pour qu'elles fonctionnent », décrypte Joël Vormus, directeur adjoint du Cler. « En France, ce dispositif n'est pas utile. » Mieux vaudrait s'attaquer massivement à la part du chauffage électrique dans les logements et à l'insuffisance des travaux de rénovation thermique.Les ONG exagèrent-elles ? En tout cas, elles ne sont pas les seules à s'interroger. L'eurodéputée française Françoise Grossetête, membre du parti Les Républicains, a salué les propositions de la Commission. Mais elle s'inquiète « du soutien apporté au charbon ». Pour y remédier, l'eurodéputée appelle à faire aboutir la réforme du marché du carbone. Faute de quoi la politique énergie-climat de l'Union risque vraiment de ne pas être à la hauteur de l'enjeu.Thomas Blosseville