La fondation Nicolas Hulot (FNH) appelle les eurodéputés à voter contre la ratification du Ceta et acter la « contradiction » de cet accord commercial avec la lutte contre le changement climatique. Mais l'ONG n'est pas la seule à lancer une alerte. Le ministère français de l'Environnement vient lui-même de publier un rapport du Commissariat général au développement durable (CGDD) et du Conseil économique pour le développement durable (CEDD). Ses conclusions sont loin d'être flatteuses.Le ministère ne remet pas formellement en cause le Ceta. Il relève néanmoins par communiqué les recommandations du rapport en précisant : « S'il intègre les propositions formulées, le Ceta peut constituer un levier pour dynamiser la lutte contre le changement climatique ».Et s'il ne les intègre pas ? Les termes du Ceta ont été négociés « bien avant l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris », rappelle le rapport. Pour y remédier, les auteurs formulent 10 recommandations. Étonnement, la première d'entre elles n'est pas reprise dans le communiqué du ministère. Elle est pourtant sans ambiguïté. Il s'agit de « procéder à l’évaluation de l’accroissement des émissions de gaz à effet de serre générées par ce nouvel accord commercial ».La tarification du carboneDans leur analyse, les auteurs du rapport vont plus loin. « En ce qui concerne plus généralement l’impact environnemental du Ceta, il est indéniable qu’en libéralisant le commerce, le Ceta engendrera une augmentation des flux commerciaux entre l’Union européenne et le Canada : en dissociant lieux de production et lieux de consommation, le commerce international contribue significativement aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, notamment à l’occasion du transport des marchandises. »Mais il ne s'agit pas pour autant de stopper le développement du commerce international. Ce serait « un moyen particulièrement inefficace de réduire les émissions de gaz à effets de serre ». Les auteurs privilégient le développement d'une tarification du carbone. « Il n’est sans doute jamais trop tard pour enclencher un processus de coopération Europe-Canada pour rechercher les mesures d’accompagnement du Ceta à envisager pour que celui-ci soit bénéfique sur le plan économique, et environnemental. A cet égard, la question des émissions des transports maritimes est incontournable. »Les normes environnementalesPlus largement, le rapport se penche sur les normes et réglementations environnementales. A ce stade, le Ceta reconnaît le droit de chaque partie à poursuivre ses politiques publiques dans des domaines comme la santé publique et l'environnement. Mais les auteurs du rapport soulignent le flou régnant sur le Forum de coopération réglementaire (FCR). Cette instance vise à discuter des normes pour les rendre compatibles. Le problème ? « En l'absence de dispositions stipulant que la convergence doit se faire sur la base du mieux-disant environnemental, il semble difficile de garantir que la convergence des normes européennes et canadiennes ne se fasse pas au détriment de la protection de l'environnement », insiste le rapport.Pire : le fonctionnement de ce FCR reste « obscur ». Son mandat, ses procédures et son plan de travail « ne seront définis qu'à l'issue de la première réunion qui fera suite à l'entrée en vigueur de l'accord », déplorent les auteurs. « Au vu du manque d'information sur ses modalités de mise en oeuvre et en l'absence de lien avec tout procédé ou toute instance démocratique, le fonctionnement du FCR présente un risque avéré d'ingérence des intérêts privés (industrie canadienne ou européenne) dans les processus règlementaires des Parties, qu’il convient de prendre en compte. Par ailleurs, l'allongement et la complexification des procédures d'élaboration des lois et des réglementations découlant de son fonctionnement pourraient constituer une contrainte supplémentaire à la capacité de légiférer des États. »Les énergies renouvelablesParmi ses recommandations, le rapport propose d'inscrire la question des pétrole non conventionnels à l'ordre du jour du FCR. Y compris les modalités pour en interdire ou en limiter l'usage au sein des États membres qui le souhaiteraient. Mais aussi d'étudier la possibilité d'instaurer des systèmes de bonus-malus pour encourager le développement des énergies renouvelables. Les services compétents en matière de climat seront-ils associés aux travaux menés par ce mécanisme de coopération réglementaire ? Entreprises, collectivités locales, ONG… Comment la société civile sera-t-elle consultée ? De nombreuses questions restent en suspens.Une autre critique porte sur le mécanisme de résolution des différents entre les investisseurs et les États. Il garantit aux investisseurs la possibilité de demander la réparation d’un préjudice causé par un État. Le rapport reconnaît des évolutions depuis le début des négociations. Ces évolutions limitent les possibilités d'abus. Mais il relève aussi une série de lacunes. Les auteurs demandent des « clarifications quant au code de conduite des arbitres et aux modalités d'appel ». Très explicitement, il suggère d'exclure de ce mécanisme « toutes les mesures relatives à la lutte contre le changement climatique ». Par exemple, les mesures prises par un État membre pour mettre en œuvre sa contribution nationale à l'Accord de Paris. Ou les mesures liées à la tarification du carbone. Ceci nécessite plus généralement « une réflexion » sur le traitement des périmètres environnementaux dans le règlement des différents. Que doit-on exclure du champ d'application ? Comment s'assurer que les décisions tiendront compte des conséquences possibles, même indirectes, sur les émissions de gaz à effet de serre ?Thomas Blosseville