Réforme territoriale, territoires à énergie positive, territoires hydrogène… Il aura beaucoup été question des collectivités locales durant le quinquennat qui s’achève et le débat sur l’énergie n’aura pas échappé à cette tendance. « Nous sommes en train de réussir un pari formidable : faire entrer la transition énergétique de façon irréversible dans les conseils municipaux », se félicitait en décembre dernier Ségolène Royal, ministre de l’Environnement. Dans son Livre blanc paru en janvier, le Syndicat des énergies renouvelables (SER) dressait le même constat : « Nous mesurons la volonté croissante des territoires et collectivités pour s’investir dans la transition énergétique », observe son président Jean-Louis Bal, en préambule du document.Pour encourager cette dynamique, il existe bien le levier réglementaire. La loi sur la transition énergétique oblige ainsi les EPCI à élaborer un plan climat-air-énergie avant 2019 si elles comptent plus de 20?000 habitants et dès 2017 au-delà de 50?000 habitants. Mais le gouvernement a aussi actionné le levier de l’incitation par diverses formes de labellisation. Simple affichage politique ou réel effet mobilisateur ?Avec ses territoires à énergie positive (Tepos), le réseau Cler avait engagé un mouvement. Il accompagne aujourd’hui une cinquantaine de territoires vers un objectif « 100 % d’énergies renouvelables ». À l’origine en milieu rural, « mais nous nous autorisons désormais à intégrer dans notre réseau des collectivités urbaines, comme les métropoles, dans une logique de complémentarité entre les territoires », retrace Yannick Régnier, responsable de projet au Cler. Le gouvernement lui a emboîté le pas avec ses territoires à énergie positive pour la croissance verte ou TEPCV. Et l’a même largement dépassé : le gouvernement en comptabilisait 422 à la fin de l’année dernière et prévoit d’atteindre la barre des 500 avant la fin du quinquennat. « Ségolène Royal a voulu que les collectivités locales disposent d’un outil simple pour enclencher rapidement et concrètement la transition énergétique au plus près de la population », promeut Guy Dietrich, directeur du programme TEPCV au ministère de l’Environnement. Ajoutez l’appel à projets sur les Territoires hydrogène, qui a désigné une trentaine de lauréats sur la centaine de dossiers déposés. Ou encore le label Cit'ergie, qui récompense déjà chaque année des communes engagées dans une amélioration continue de leurs politiques énergétiques. Tepos, TEPCV, Hydrogène, Cit'ergie : la France a-t-elle construit un mille-feuille de labels et de collectivités exemplaires ?En réalité, un même territoire peut être labellisé plusieurs fois. « Beaucoup des 118 collectivités Cit'ergie ont aussi été labellisées TEPCV », illustre Éric Vésine, chef du service animation territoriale de l’Ademe. « Il existe une vraie complémentarité entre les dispositifs », abonde Yannick Régnier, du Cler, qui trouverait « logique » d’entraîner les territoires TEPCV dans la démarche Tepos. Il faut dire que les objectifs varient d’un dispositif à l’autre. Avec ses Tepos, le Cler entend construire des projets de territoire sur dix ou quinze ans. Une rencontre réunit ainsi chaque année les membres du réseau, la prochaine aura lieu en septembre. Le Cler organise en complément des téléconférences, des formations et autres groupes de travail. Avec le CNFPT, il vient par exemple de créer un parcours de formation pour les agents techniques des collectivités. Cit'ergie vise aussi le long terme, mais plutôt pour structurer les démarches de collectivités matures sur le sujet.Par contre, quinquennat oblige, le gouvernement ne voit pas si loin avec son programme TEPCV. C’est d’abord et surtout un outil de financement. Au final, il devrait verser un total de 550 millions d’euros aux collectivités lauréates. Une aide bienvenue pour la transition énergétique à l’heure où d’autres ressources, comme le Fonds chaleur et la fiscalité énergie-climat, sont jugées insuffisantes. Sauf que le dispositif brasse très large : économie circulaire, mobilité, biodiversité… Et qu’il ne finance pas les projets bénéficiant déjà d’un soutien public. Exit donc les énergies renouvelables ! Les TEPCV ont surtout valorisé des projets dans la rénovation des bâtiments, l’éclairage public et la mobilité. « Mais nous avons accepté des projets dans l’énergie qui passaient entre les mailles du filet des autres mécanismes. Typiquement dans la petite hydroélectricité et la méthanisation de petite taille », souligne Guy Dietrich, du ministère de l’Environnement. Ou des projets particuliers, comme la valorisation des huiles usagées pour chauffer le stade Geoffroy-Guichard de Saint-Étienne.C’est déjà plus que l’appel à projets sur les territoires hydrogène… dont les lauréats ne recevront aucun financement. « Maintenant que nous sommes labellisés Territoire hydrogène, les industriels veulent s’atteler à la mise en œuvre. Mais nous n’avons pas forcément les moyens d’aller plus loin », déplore une élue régionale auprès d’Environnement Magazine. Cette labellisation hydrogène constitue simplement une forme de reconnaissance « de la pertinence des projets vis-à-vis des usages, de l’intégration aux territoires et de leur modèle économique », défend-on au ministère de l’Économie. Une reconnaissance qui doit ensuite faciliter le traitement des dossiers par les financeurs classiques, que sont l’Ademe, la Banque publique d’investissement et les programmes européens. Autant de portes auxquelles il faudra toujours aller frapper, label ou pas.Thomas Blosseville