Une France métropolitaine alimentée à 100 % en énergie par les renouvelables et contribuant à limiter le réchauffement climatique à 1,8 °C. Dans son nouveau scénario de transition énergétique, sur la période 2017-2050, Négawatt s’appuie sur la méthode qui a fait sa renommée : adopter une approche systémique en partant des besoins et en privilégiant des technologies plutôt matures. « Il ne s’agissait pas de remettre en cause la précédente version, mais d’actualiser les données cinq ans après et d’élargir l’analyse », signale Yves Marignac, porte-parole de l’association. Pour la première fois, Négawatt a évalué l’impact de son scénario sur la qualité de l’air. Notons aussi un potentiel de production éolienne et photovoltaïque revu à la hausse. Et, à l’inverse, un usage plus prudent de la biomasse. Mais le cœur de sa démarche reste une forte baisse de la demande. La consommation d’énergie primaire est ainsi réduite, dans son scénario, de 66 % en France métropolitaine entre 2015 et 2050.Des usages inattendusComment ? D’abord grâce aux gains dans la production et la transformation de l’énergie : le rendement entre l’énergie primaire mobilisée en amont et l’énergie finale utilisée par les consommateurs passe de 62,5 % à 80 %. Pour autant, cela ne suffit pas. Fidèle à sa méthode, Négawatt met l’accent sur la sobriété et l’efficacité énergétique dans tous les secteurs. Concernant l’électricité dans le résidentiel et le tertiaire, si l’on porte les normes aux meilleures performances du marché et si l’on généralise les comportements responsables, on génère « des économies équivalent à 15 % de l’ensemble de la consommation électrique actuelle », chiffre l’association. Dans son scénario, un foyer moyen disposerait par exemple en 2050 d’un électroménager de 5 à 15 % plus efficace que les meilleurs équipements d’aujourd’hui. Toutefois, l’association anticipe le développement d’usages inattendus « à l’instar de l’internet à la maison, de l’explosion des smartphones et des tablettes, qui n’existaient pas il y a encore dix ans ». Elle réserve 10 TWh d’ici à 2050 à ces nouveaux besoins. Soit la consommation actuelle des lave-linge et lave-vaisselle des ménages.La croissance démographiqueSans surprise, la rénovation thermique occupe une place centrale dans son scénario. Pour rattraper le retard pris ces cinq dernières années, Négawatt porte progressivement le volume annuel de travaux à 780?000 logements et 3,5 % des surfaces tertiaires. C’est un rythme 3,5 fois plus élevé que le scénario tendanciel avec des niveaux de performances plus ambitieux. Négawatt tient aussi compte de l’énergie grise contenue dans les matériaux employés. C’est la raison pour laquelle, par exemple, le bois utilisé en structure, menuiseries et isolation passerait de 7 % en 2015 à 15 % de la masse des matériaux en 2050. En termes de surface occupée, le scénario est indexé sur la croissance démographique médiane prévue par l’Insee. Il projette néanmoins un « ralentissement sensible de l’augmentation des surfaces tertiaires » et « une stabilisation de la surface moyenne de logement par occupant au niveau actuel de 42 m² par personne ». Bilan : le résidentiel-tertiaire réduit sa consommation en énergie finale de 56 % entre 2015 et 2050.Deuxième choix crucialDans les transports, la baisse est encore plus nette : - 62 %. Pêle-mêle, Négawatt privilégie des motorisations plus efficaces, le télétravail, l’autopartage et le covoiturage. Le taux de remplissage progresse à 1,8 personne par véhicule, au lieu de 1,6 aujourd’hui. La vitesse, elle, est réduite à 80 km/h sur route et 110 km/h sur autoroute. Mais l’association fait surtout un choix technologique. « Dans notre scénario, le gaz sert à faire rouler les camions et les voitures sur les routes », présente Marc Jedliczka, porte-parole de Négawatt. Sauf dans les centres urbains et périurbains, où l’électrique est préféré. Deuxième choix crucial : placer la méthanation au cœur de la transition énergétique. C’était déjà un pilier des précédentes versions, mais il s’avère encore plus important dans cette édition. En convertissant les électrons en hydrogène puis en méthane, la méthanation interconnecte les réseaux d’électricité et de gaz. Elle renforce ainsi la robustesse du système.Dans l’industrie, l’efficacité énergétique conduit à une baisse de consommation supplémentaire de 13 % par rapport au tendanciel. Mais l’effort porte aussi sur les matières premières d’origine fossile. « Elles représentent à ce jour, à l’échelle de la France, 214 TWh, dont 89 % de pétrole consommé pour les plastiques », chiffre l’association. La consommation de ressources fossiles pour ces usages non énergétiques est à terme divisée par 2,3.La consommation de viandeEmballages réutilisables comme les bouteilles en verre consignées, élimination des prospectus publicitaires, lutte contre le gaspillage alimentaire… Les économies de matières touchent tous les domaines. Selon les filières, Négawatt prévoit une multiplication par deux à trois des taux de recyclage d’ici à 2050. Dans l’alimentation, la répartition entre les protéines d’origine animale (les deux tiers aujourd’hui) et végétale (un tiers) est inversée. La consommation de viande est réduite de moitié. Sur ce sujet, comme l’agriculture et la forêt, Négawatt s’appuie sur le scénario Afterres 2050 de l’association Solagro. Lui aussi actualisé, il généralise « l’ensemble des pratiques de l’agroécologie désormais connue », présente Christian Couturier, directeur du pôle énergie de Solagro et président de Négawatt. En couplant les deux scénarios, la France atteint la neutralité carbone en 2050. Elle continue de rejeter des gaz à effet de serre. Mais les nouvelles pratiques dans l’utilisation des sols et des forêts génèrent des « puits de carbone », qui compensent les émissions résiduelles. À une nuance près : à cause du cumul des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, un retard dans la mise en œuvre ne pourra pas être rattrapé.Thomas Blosseville