Au départ, l’enjeu était financier. Les prix du gaz étaient élevés. Afin de réduire les frais de chauffage, un collectif s’est constitué près de Nantes pour porter un projet de chaufferie au bois. « Sur un territoire qui se sentait un peu délaissé par la métropole nantaise », se souvient Bernard Lemoult, directeur de l’Aful Chantrerie. Le territoire en question ? Une zone d’aménagement concerté sur laquelle se trouvent des entreprises et des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. À l’époque, la métropole a refusé de passer par une délégation de service public. Plutôt que de renoncer, sept établissements d’enseignement et de recherche, dépendant de diverses tutelles, ont déniché une autre structure juridique pour porter le projet : une association foncière urbaine libre (Aful). « C’est une association privée composée d’établissements publics », présente Bernard Lemoult. En 2011, une chaufferie de 2,5 MW et 3,3 km de réseau de chaleur, exploités par Engie Cofely, ont pu entrer en fonctionnement. « C’est là qu’a vraiment débuté notre aventure collective. » Les partenaires ont voulu aller plus loin. Leur ambition : montrer qu’un modèle énergétique décentralisé était possible. Six ans plus tard, les bases ont été posées. L’heure est venue de passer à la phase concrète.Un fonctionnement soupleLe site rassemble 4?000 étudiants et 2?500 salariés. Électronique, restauration, bâtiment… Si le projet réunissait au départ des établissements publics, plusieurs entreprises ont rejoint le collectif il y a un an. « La préfecture n’a pas accepté que nous changions l’objet initial de l’association, qui fédérait les établissements raccordés au réseau de chaleur. Nous avons donc dû créer une deuxième structure », détaille Bernard Lemoult. La nouvelle entité a été baptisée Association fédératrice des utilités locales. Le nom n’a pas été choisi au hasard. Il possède le même acronyme : Aful. Cette deuxième association a permis d’inclure des entreprises comme Schneider Electric et Eiffage. Désormais, les deux structures coexistent en partageant, outre leur acronyme, leurs administrateurs et leurs réunions. Une double structure donc, « mais un fonctionnement souple dans la pratique », assure le directeur de l’Aful Chantrerie, par ailleurs directeur de recherche à l’école IMT Atlantique.Le gaz comme carburantLes obstacles administratifs surmontés, place maintenant la pratique. Une unité de méthanation va démarrer à l’automne prochain. Installé à côté de la chaufferie, un électrolyseur de 10 kW produira de l’hydrogène, qui sera converti en méthane. Le gaz sera en priorité consommé comme carburant par deux véhicules partagés, le surplus étant injecté dans une chaudière au gaz. L’installation, de petite taille, a surtout vocation à servir de démonstrateur. En parallèle, l’Aful Chantrerie a répondu à un appel d’offres de la Commission de régulation de l’énergie pour installer 220 kWc de panneaux photovoltaïques. Elle prévoit également de s’équiper d’une éolienne de 30 kW. Enfin, elle a lancé une consultation pour valoriser les 150 tonnes de déchets organiques annuelles du site, dont 80 % partent pour l’instant à l’incinération. L’objectif est de signer un contrat avec un prestataire extérieur au deuxième semestre 2017 pour valoriser ces déchets soit par compostage, soit par méthanisation. Mais les projets ne concernent pas seulement l’énergie : un terrain de 1,5 ha a été mis à disposition de deux personnes l’année dernière. Elles ont cinq ans pour trouver un modèle économique pour vivre d’une activité d’agriculture urbaine et d’éducation à la biodiversité.L'effectif va doublerPour l’Aful, il reste un défi à relever : la gouvernance du territoire. « La métropole de Nantes facilite beaucoup nos projets, notamment sous forme de subventions », se satisfait Bernard Lemoult. Seulement, l’association réclame à la collectivité un droit de regard sur l’aménagement des terrains. Choix des entreprises qui s’implantent, services communs, transports doux… Pour entretenir la dynamique collective, voire l’étendre à d’autres acteurs, elle aimerait participer aux processus de décision sur l’avenir du site. Il faut dire que, dans les cinq ans qui viennent, plusieurs entreprises vont s’installer. L’effectif salarié devrait doubler avec le développement économique du site. De quoi amplifier le mouvement ou le diluer ?Thomas Blosseville