Pourquoi publier aujourd'hui ce livre blanc de l’hydroélectricité ?Nous avons besoin, dans le contexte politique actuel, de sensibiliser les nouveaux décideurs politiques à cette filière pivot du système électrique et pourtant souvent oubliée. Ses capacités de développement sont évidemment aujourd'hui moins importantes que celles des « nouvelles » énergies renouvelables. Mais l’hydroélectricité rend depuis longtemps de multiples services au système électrique. En soutenant à la fois la production de base et la pointe, elle constitue une sorte « d'assurance réseau » et permet aux autres énergies renouvelables, plus intermittentes, de se développer. Nous sommes néanmoins inquiets quant à son avenir. Un modèle économique plus que fragile, l'inflation normative issue de politiques publiques parfois contradictoires et la faible rémunération des services rendus constituent des freins de plus en plus handicapants pour son développement. Quelles principales mesures préconisez-vous pour lever ces freins ?Au niveau européen comme français, les pouvoirs publics gèrent séparément les questions énergétiques et celles liées à la biodiversité au sens large. De façon pas toujours cohérente… Nous proposons donc de réorienter les politiques nationales et européennes pour une meilleure cohérence globale. Nous pensons qu'il serait utile de réviser la directive cadre sur l'eau (DCE) en y intégrant des objectifs de développement des énergies renouvelables et de soutenabilité économique. La filière a aujourd’hui complètement intégré ces enjeux environnementaux, qui sont légitimes. Il faut réinstaurer le dialogue et nous faire confiance pour les prendre sérieusement en compte. Il faut davantage d'échanges entre les acteurs qui travaillent sur ces thématiques. En France, les questions d'énergie et d'environnement sont gérées par le même ministre, mais les textes sur l'eau sont trop coercitifs et manquent de vision économique. Et nous continuons à penser qu'il est nécessaire de procéder à un réexamen du classement des cours d'eau, l’État reconnaissant lui-même la faiblesse de la méthodologie employée. Plus globalement, enfin, il faut confier à un acteur indépendant l'évaluation des politiques menées. Dix ans après l'adoption de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (Lema), aucune analyse de son effet sur le bon état des masses d'eau n'a été conduite. Vous réclamez également des mesures économiques et fiscales…Depuis trois ans, le prix de marché de l’électricité est structurellement bas. Il couvre à peine nos coûts d'exploitation. Dans ce contexte, les investissements au profit de la modernisation de l'existant ou de nouveaux développements ne sont pas envisageables. L’État doit donc proposer un prix plancher pour au moins couvrir nos coûts d'exploitation. D'autant que, contrairement à une centrale à gaz par exemple qu'on peut arrêter puis redémarrer, il n'est pas possible de laisser une usine hydroélectrique à l’arrêt. Nous sommes donc parfois obligés de les faire tourner à perte…La fiscalité locale sur nos activités s'est en outre alourdie d'années en années, représentant à elle seule 10 euros du MWh en 2017 ! Ces taxes sont en plus majoritairement déconnectées du chiffre d'affaires et augmentent à la faveur des importants aménagements que nous réalisons en matière environnementale. L’État nous impose ces investissements, la construction d'une passe à poissons par exemple, et nous fait payer dessus une taxe foncière… Ce n'est pas supportable à moyen terme. Avez-vous des demandes spécifiques à la petite hydroélectricité ?La petite hydroélectricité est sous tutelle de la direction de l'Eau depuis 2011. Cela n'est pas logique et ne rend pas justice aux services rendus par cette énergie renouvelable. Elle doit, comme la grande hydroélectricité et les autres énergies, être gérée par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC). Nous sommes cependant heureux du lancement récent par l'ancienne ministre Ségolène Royal d'un nouvel appel d'offres et surtout de son aspect pluriannuel en trois tranches de 35 MW. Cela assure une meilleure visibilité pour la filière. Propos recueillis par Fabian Tubiana