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ÉNERGIE

[Tribune] Électricité, arrêt de 4 réacteurs : un marché de plus en plus sous tension

PUBLIÉ LE 10 JANVIER 2022
GUILLAUME ROUAUD, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE MON COURTIER ENERGIE
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[Tribune] Électricité, arrêt de 4 réacteurs : un marché de plus en plus sous tension
Guillaume Rouaud, directeur général de Mon Courtier Energie. Crédit : Mon Courtier Energie
Mi-décembre, EDF a annoncé l’arrêt de quatre nouveaux réacteurs au sein de son parc nucléaire français. Cette situation est venue tendre un marché de l’électricité qui connaît depuis près d’un an, de nombreuses hausses et des records de prix. 

Des réacteurs ont été mis à l’arrêt pour cause de maintenance. Maintes fois repoussées, ces réparations ont pris du retard à cause de la pandémie de Covid. L’arrêt de ces quatre réacteurs supplémentaires vient s’ajouter aux 12 déjà hors d’état de marche en 2021. Sur les 56 que compte le territoire national, ¼ d’entre eux ne fonctionnent pas. La crise que nous connaissons actuellement sur les marchés, risque de perdurer au-delà du 1 er  trimestre 2022.

Inflation du prix de l’électricité : les raisons qui l’expliquent

Tout d’abord, la reprise économique. A l’issue des différents confinements, le monde s’est doucement remis en marche et les prévisions optimistes ont agi sur la demande d’électricité. Par conséquent, les quantités demandées sur ce marché ont cru rapidement et ont impliqué une forte
mobilisation des moyens de production. Le coût de l’électricité a alors commencé à augmenter début 2021.

Par la suite, l’inflation s’est poursuivie tout au long de l’année. Les productions alternatives qui viennent couramment en renfort du nucléaire, ont une nouvelle fois été mis à contribution. A la différence des années précédentes, les coûts pour déclencher ces dernières sont très hauts. Cette situation n’arrange en rien le prix de l’énergie sur le marché. Actuellement, la demande énergétique est forte et les stocks sont bas. Quel que soit le motif de sollicitation énergétique, les énergies renouvelables sont appelées en premier, elles sont toujours prioritaires sur le réseau. Le nucléaire est sollicité en deuxième position. Mais les arrêts récents et simultanés des 4 réacteurs, à Chooz et Civaux, sont tombés à un mauvais moment.

La France a plus que jamais un grand besoin de ses centrales nucléaires. Mais une partie d’entre elles est aux abonnés absents. Les Centrales Combinées Gaz (CCG), qui, comme leur nom l’indique fonctionnent au gaz naturel, sont appelées pour compléter la production du parc nucléaire et sont très dépendantes de cette matière première. De plus ces unités sont soumises à des quotas de CO2, le prix de ce dernier étant actuellement très haut sur les marchés. Cette variable influe également sur le coût marginal auquel les CCG se déclenchent.

Le prix du marché de l’électricité est fixé par le coût du dernier moyen de production appelé. C’est ce qu’on appelle le principe du « Merit Order ». En l’occurrence, beaucoup de moyens de production sont sollicités pour répondre à la demande actuelle. Chacun des éléments évoqués précédemment agit sur ce fameux coût marginal de production, et donc sur le prix du marché.

L’électricité n’est pas la seule à augmenter, le prix du gaz s’envole aussi

Le cours du gaz ne cesse de grimper et connait ses plus hauts taux de l’histoire. En effet, les stockages européens sont faibles. D’une part à cause d’une demande asiatique très forte en GNL (Gaz Naturel Liquéfié) et d’autre part en raison du retard colossale pris par la mise en place du
gazoduc Nord Stream 2. Ce dernier, ayant peiné à voir le jour entre les sanctions américaines et l’incapacité de l’Europe à adopter une position commune, ne participe toujours pas à l’approvisionnement de l’Europe en gaz russe. Il attend toujours son homologation par le régulateur allemand. Enfin, les prévisions météorologiques qui prévoient un hiver rigoureux n’apaisent en rien les acteurs du marché.

En somme, nous réunissons tous les ingrédients d’un cocktail détonnant qui se traduit par l’atteinte sur le marché de prix jamais imaginés et transformant un poste budgétaire trop souvent délaissé d’attention par les professionnels en un élément parfois déterminant pour leur survie.

De lourdes conséquences pour les industriels

Dans un contexte déjà tendu depuis début 2021, l’annonce de l’arrêt de 4 réacteurs nucléaires
supplémentaires enlise davantage un marché déjà en état critique.

Pour les professionnels l’impact est considérable. Pour les entreprises qui comptaient sur la mise à disposition de volumes ARENH, en souscrivant à une offre intégrant ce dispositif, le montant de la facture en 2022 ne sera pas aussi bas que prévu. En effet, l’accès régulé à l’électricité nucléaire
historique (ARENH) contraint EDF en tant que producteur, à concéder une part de sa production annuelle aux autres fournisseurs du marché, depuis le 1 er juillet 2011 avec un plafond fixé à 100TWh.

Les fournisseurs alternatifs et les électro-intensifs demandent à ce que ce plafond soit réhaussé à 150TWh. Mais pour l’heure, aucune décision n’a été prise. Cette situation force les fournisseurs à réajuster les prix pour donner suite à l’écrêtement record de cette année (160TWh demandés pour une limite à 100 TWh) à un prix de marché extrêmement élevé. Il n’est pas rare d’observer des revalorisations dépassant les 40€/MWh pour certains clients et des hausses de budget de plus de 50%.

Autre exemple, les professionnels qui n’ont pas anticipé leur renégociation de contrat. La situation est d’autant plus délicate pour eux. D’une part, parce que les offres de leur ancien fournisseur sont extrêmement chères, de l’autre car ils se retrouvent à devoir choisir seul, dans la précipitation et sans accompagnement : une typologie d’offre, une durée et un fournisseur. Cela se résume dans tous les cas à accepter d’intégrer une hausse considérable dans leur budget. Ces hausses ne peuvent bien souvent pas être répercutées sur le prix des produits, parfois commandés depuis longtemps.

Nous rencontrons ainsi certains professionnels dans l’hôtellerie ou l’industrie qui considèrent avec sérieux l’option de fermer momentanément leur établissement ou certaines lignes de production,
tant l’impact est important pour eux. Tous ont les yeux rivés sur les cours du marché, espérant une décrue.

Pas de mesures gouvernementales pour les professionnels

Les dispositions concernant le gel des tarifs ou encore l’allègement des taxes ne concernera que très peu les professionnels. Par ailleurs, l’Etat Français ne semble pas non plus enclin à augmenter le plafond de l’ARENH. Cette solution est pourtant sollicitée par un nombre important de gros consommateurs et d’experts du marché.

L’ARENH est la conséquence d’une spécificité Française (conséquence de choix stratégiques passés, privilégiant l’indépendance énergétique en développant son parc nucléaire). Nous serions donc en droit de nous interroger sur la légitimité aujourd’hui d’en limiter l’accès pour les fournisseurs alternatifs. Il n’est dès lors pas déraisonnable d’imaginer la possibilité, pour tous les consommateurs, d’accéder à l’ARENH en fonction de ses droits (et ce, quel que soit son fournisseur), le complément de volume pouvant être acheté sur le marché. Cela renforcerait l’équité des différents acteurs du marché et participerait à pondérer l’impact des mouvements de marché sur le budget des entreprises.

En conclusion, et en cette période de crise, certains professionnels font aujourd’hui le constat, qu’une attention particulière doit être portée au poste des dépenses énergétiques. Ces derniers considèrent que se faire accompagner par des experts afin d’anticiper au mieux ses décisions et les variations du marché, n’est plus une alternative.
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