Ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement au début des années 2000 dans le gouvernement de Lionel Jospin, Yves Cochet est l'auteur de l'ouvrage, paru en 2019, « Devant l'effondrement ». Celui qui se définit volontiers aujourd'hui comme « collapsologue » nous livre son analyse de la crise actuelle et de ce que pourrait être le « monde d'après » le Covid-19.
Environnement Magazine : Quelle est votre analyse de la situation actuelle ?
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Précisément, comment voyez-vous le « monde d'après » le Covid-19 ?
En réalité, personne ne le sait vraiment, mais je suis assez pessimiste. Il est à craindre que la crise économique actuelle se double d'une crise financière, voire budgétaire – en espérant qu'il n'y ait pas de crise monétaire engendrée par une perte de confiance dans l'euro, ce qui serait dramatique. Tout cet argent dépensé par les gouvernements, c'est irresponsable, c'est une fuite en avant. L'économie mondiale peut, à la rigueur, absorber une vague pandémique de l'ampleur de celle du Covid-19, elle ne le pourra pas une seconde fois. Si des mesures de confinement sont à nouveau prises, il est fort probable que des émeutes éclatent ici ou là. Et ce chaos social généralisé, aggravé par des pénuries alimentaires et énergétiques devenues permanentes, précipitera alors un effondrement systémique mondial. C'est la grande crainte des gouvernements. Or c'est ce scénario qui peut se produire au cours de la décennie 2020-2030, mais on ne sait pas à quel rythme.
Quelles seraient les principales mesures que vous adopteriez aujourd'hui si vous étiez aux responsabilités ?
Il faut relocaliser notre production alimentaire et énergétique en nous appuyant sur des bio-régions résilientes. Ces bio-régions sont des institutions politiques qui opèrent à l'échelle des bassins versants. A l'instar de Lénine qui proclamait « Tout le pouvoir aux soviets ! », je dis « Tout le pouvoir au local ! ». C'est le seul mot d'ordre politique qui vaille pour renouer avec notre autosuffisance alimentaire et énergétique. La solution, ce n'est pas l'Europe, c'est le local « sans les murs », c'est-à-dire un localisme ouvert, solidaire avec nos voisins géographiques. Les circuits alimentaires mondiaux sont trop longs, c'est une aberration. Il faut les réduire considérablement pour assurer les besoins de base des populations.