Pour utiliser au mieux la biomasse, la gazéification est une technologie clé. Son principe : dé composer les molécules organiques en gaz de synthèse, ou syngas, composé de monoxyde de carbone (CO) et d'hydrogène (H2 ). Si ce principe est connu depuis longtemps, la technique continue de s'améliorer. Avec deux objectifs majeurs : faire progresser les rendements et développer des installations plus flexibles. Les technologies diffèrent selon la manière dont le combustible est mis en contact avec le comburant : lit fixe, fluidifié ou entraîné, ajout d'oxygène et/ou de vapeur d'eau. Même les technologies matures font l'objet de R & D. Ainsi, des chercheurs de l'université de Lorraine étudient une technologie déjà exploitée industriellement par l'espagnol Eqtec. « Aujourd'hui, les installations qui fonctionnent bien ont des puissances de plus de 10 MW électriques, soit 25 à 30 MW thermiques », indique Yann Rogaume, directeur adjoint du laboratoire d'étude et de recherche sur le matériau bois (Lermab) et responsable du projet. « Une telle installation nécessite de gros besoins de chaleur à proximité, ce qui entrave son développement. Nous visons des installations de 1 à 10 MWe, en gardant des rendements électriques élevés, de l'ordre de 30 %. » La construction d'un pilote de taille semi-industrielle (200 kW), opérationnel en septembre prochain, validera notamment les travaux sur l'ajout de substances pour éviter la formation de blocs de sable et de cendres, ou l'emplacement des catalyseurs.
Autre objectif : améliorer la flexibilité. Aujourd'hui, la technologie d'Eqtec n'accepte que des combus tibles qui comportent moins de 15 % d'humidité et une granulométrie maîtrisée. Or, les utilisateurs aimeraient élargir leur palette en rece vant les plaquettes forestières, dont l'humidité atteint souvent 40 %, voire les combustibles solides de récupération (CSR), à la composition stable. Europlasma pousse encore plus loin cette logique en ne traitant que des déchets dans sa centrale CHO Power de Morcenx (40). La société a développé une technologie novatrice de gazéification assistée par torche à plasma, et devrait réceptionner son unité cet été. Mais la gazéification ne sert pas uniquement à la production d'électricité.
Ainsi, le projet BioTfuel, porté notamment par l'Ifpen, Total et le CEA, vise à synthétiser des biocarburants de seconde génération par voie thermochimique en passant par le syngas, à partir de biomasse lignocellulosique. « Le procédé le plus adapté est celui de l'allemand Thyssenkrupp », indique Jean-Christophe Viguié, directeur général de la société Bionext qui pilote le projet BioTfuel. « Cette technologie de gazéification à flux entraîné sous pression, avec injection d'oxygène pur, génère un syngas de grande pureté, indispensable pour produire le biocarburant par synthèse Fischer-Tropsch. De plus, elle accepte différents types de biomasses, et tolère des impuretés. Une telle flexibilité est importante. Elle permet aussi de cotraiter du combustible fossile, lorsque la biomasse vient à manquer. » Par rapport aux procédés par lit fluidisé, la réaction est plus rapide, quelques secondes seulement, à température élevée (1 200 à 1 600 °C). Mais auparavant, la biomasse est préparée par torréfaction, un prétraitement thermique de séchage sous atmosphère inerte. Les particules obtenues, hydrophobes, sont stockables à l'air libre. La construction d'un réacteur de démonstration est en cours sur le site de Total, à Dunkerque, qui traitera 3 tonnes de biomasse par heure (cinquante fois moins qu'un gazéificateur industriel). L'année 2017 devrait apporter quelques beaux résultats !