Àl'occasion d'une audition publique organisée par l'OPECST* sur la « mise en place d'une politique des terres rares et des matières premières stratégiques et critiques », industriels, économistes, scientifiques et politiques ont pu échanger de façon concrète sur l'avenir du secteur. Face à la question sur les besoins des industriels et les risques de pénurie, l'industrie française s'organise. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, elle n'attend pas de subir des ruptures d'approvisionnement (liées à des facteurs géopolitiques ou économiques) pour envisager de nouvelles stratégies d'utilisation. « Renault-Nissan a défini une stratégie entre 2011 et 2016 pour réduire de 65 % l'emploi de terres rares. Cela se traduit par exemple par la fabrication d'un moteur électrique sans aimant permanent », explique Philippe Schulz, expert leader environnement, énergie et matières premières chez Renault. Au-delà de ces innovations permettant de réduire la dépendance à ces métaux, il faut partager les expériences entre constructeurs et l'ensemble des acteurs de la filière, insiste-t-il. « L'enjeu est de savoir comment on va faire demain avec un marché qui devrait passer à 100 millions de véhicules par an et évoluer vers l'automobile connectée et autonome, impliquant l'emploi croissant d'électronique. » Pour Maurice Leroy, à l'École européenne de chimie, polymères et matériaux de Strasbourg, il n'existe pas de politique européenne concernant les métaux stratégiques : « Pour surmonter les possibles risques de pénurie, face à de nouveaux pays émergents comme l'Inde ou l'Afrique, l'idée serait de créer une Opep des métaux, pour garantir une certaine trans-parence dans la production et l'utilisation. » Plusieurs interrogations toutefois : qui intégrerait cette nouvelle organisation ? États ou industriels privés ? Concentrant plus de 50 % de la production mondiale, la Chine est par ailleurs encore loin d'être exemplaire en termes de transparence. Avant de se poser la question d'une gouvernance européenne, beaucoup s'accordent à penser que les moyens français mis au service des métaux stratégiques ne sont pas suffisants, tant sur le plan organisationnel (Comes) qu'au niveau des aides au financement. On ne peut que déplorer l'absence d'intelligence économique dans ce secteur comme cela peut exister en Allemagne, avec la Rohstoff Allianz, ou au Japon, qui développe les prises de participation publique dans des projets industriels. Pourtant, avance Laurent Corbier chez Eramet, des synergies sont possibles et même souhaitables. Une diplomatie européenne sur les matières premières serait bénéfique. C'est également l'avis de Christian Thomas, de Terra Nova, qui préconise au sein d'un Observatoire des métaux, une veille sur les technologies à venir. « Nous ne savons pas si le recyclage que nous pratiquons sur certains métaux aujourd'hui sera encore valable et rentable dans cinquante ans face à la vitesse de l'évolution technologique. Il est important pour les industriels d'avoir une visibilité suffisante pour éviter d'investir dans des procédés obsolètes à moyen terme. » L'exemple de Siemens est révélateur. Le groupe allemand travaille déjà sur la fabrication d'aimants permanents qui pourraient à moyen terme se passer de dysprosium. Ailleurs, dans le secteur énergétique, des travaux sont menés pour remplacer certains métaux rares par d'autres plus accessibles, comme le magnésium, ou des composites polymères à forte conductivité électrique.