La valorisation des biodéchets présente des enjeux environnementaux (retour au sol de matières organiques, réduction des gaz à effet de serre), énergétiques (biogaz), mais également en termes d'optimisation de la gestion des déchets. Pour rappel, une tonne de déchets organiques, toutes origines confondues, coûte de 80 à 150 euros à collecter et à traiter. Le nombre de projets demeure pourtant assez limité, a constaté le délégué général d'Amorce, lors d'une table ronde organisée le 12 octobre dernier par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale. C'est une question « de chaîne de confiance », a insisté Nicolas Garnier, qui milite pour le développement de chartes locales de confiance. La charte organique prévue par le Grenelle est aujourd'hui bloquée. En outre, la filière organique est la moins financée par l'externe de toutes les filières de valorisation de matières. Le décret du 11 juillet 2011, qui crée une section spécifique consacrée aux biodéchets dans le Code de l'environnement, fournit enfin une définition (voir décryptage, JDC n° 2156). La catégorie des biodéchets comprend « tout déchet non dangereux biodégradable de jardin ou de parc, tout déchet non dangereux alimentaire ou de cuisine issu notamment des ménages, des restaurants, des traiteurs ou des magasins de vente au détail, ainsi que tout déchet comparable provenant des établissements de production ou de transformation de denrées alimentaires » (art. R. 541-8 du Code de l'Environnement). Pour les « gros producteurs », ce décret prévoit une mise en oeuvre progressive de 2012 à 2016 avec des seuils décroissants de biodéchets produits imposant une collecte sélective et une valorisation biologique.
Pour les gisements diffus (déchets organiques des ménages), il appartient au gestionnaire de ces déchets, à savoir les collectivités, d'opter pour un modèle de collecte et de valorisation. Le Code général des collectivités territoriales ne permet pas en revanche de mettre en place une collecte spécifique pour les déchets qui ne sont pas ménagers.
Libre choix des collectivités
Une vingtaine de collectivités a mis en place des collectes sélectives des biodéchets. Des soutiens financiers sont apportés aux équipements de collecte sélective, mais les collectivités restent pour l'instant peu demandeuses sur ce point. Les appels d'offres sont actuellement largement concentrés sur le tri mécano-biologique (TMB) et très peu sur la collecte sélective, a confirmé Yves Coppin de Véolia Environnement. Pour le TMB, une quinzaine d'installations est en cours de construction et d'exploitation et une petite vingtaine de projets sont dans les cartons. S'agissant des déchets des activités de proximité (boulangeries, primeurs etc.), des solutions doivent émerger des relations entre les collectivités et les banques alimentaires. Il convient également, pour les secteurs du commerce alimentaire et de la restauration collective, de réduire la quantité de déchets à la source, a insisté André Chassaigne, député GDR du Puy-de-Dôme. La possibilité d'introduire une part variable en fonction de la production dans le cadre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom incitative) devrait enfin être validée par le projet de loi de finances rectificative pour 2012.
Compostage : peut mieux faire
Pour rappel, le Grenelle affiche un objectif de 45 % de valorisation des déchets ménagers en 2015. Un quart de la population aurait un outil de compostage à disposition. Le nombre de ménages concernés par une opération ayant bénéficié d'une aide de l'Ademe est passé de 1,3 million en 2009 à 1,7 million de ménages en prévisionnel fin 2011. La majorité des quelque 600 plateformes de compostage existant actuellement sont de taille modeste (inférieure à 20 000 tonnes), très implantées territorialement, et gérées par des collectivités, des agriculteurs ou des prestataires privés. Le parc étant à maturité, il s'agit désormais d'optimiser le fonctionnement de ces plateformes et non de créer de nouvelles installations, a souligné Marc Cheverry, chef du service prévention et gestion des déchets de l'Ademe. L'intégration de la gestion des déchets organiques dans des schémas territoriaux constituerait un levier important, a-t-il fait valoir. Un volet gestion des déchets organiques mériterait d'être bien identifié au sein des plans départementaux ou régionaux de gestion de déchets. S'agissant des biodéchets des ménages, les efforts doivent également se poursuivre en matière de compostage domestique et de collecte sélective. Les expériences menées à Rennes et à Rouen concernant le compostage de quartier ont montré des résultats encourageants. Le compostage collectif, après collecte sélective, représente une seconde solution. Certaines collectivités parviennent à une certaine performance en la matière (cas de Lorient, de la Nièvre). Toutefois, aux difficultés pratiques s'ajoutent des difficultés d'ordre financier. Le soutien de l'Ademe demeure anecdotique sur ce point, a déploré Nicolas Garnier qui prône un soutien à la tonne valorisée. Pour Yanick Paternotte, député UMP du Val d'Oise, l'apport volontaire en déchèterie est préférable au « porte à porte qui coûte une fortune ». Le développement du compostage « doit être étroitement lié avec les débouchés », a estimé Loïc Béroud, chef du département déchets du Ministère de l'Écologie. Un règlement européen, dont la publication est prévue pour mi-2012, devrait définir les critères de sortie du statut de déchets des composts produits. Une réflexion est par ailleurs en cours, en conformité avec la directive « décharge », sur les quantités de biodéchets admises en décharge.
Méthanisation : frilosité des investisseurs
Il existe en revanche très peu d'installations de méthanisation (environ une cinquantaine). Il s'agit de projets complexes et coûteux, pour lesquels l'on dispose de peu de visibilité, en particulier concernant les subventions, a regretté le président du Club biogaz, Antoine Jacob, qui propose une dégressivité tarifaire à l'instar de ce qui existe pour l'éolien. La réglementation (tarification incitative pour le rachat de l'électricité produite) est favorable à la méthanisation « à la ferme. Les tarifs de la méthanisation collective, qui permet d'intégrer d'autres produits que les résidus agricoles (déchets ménagers, des collectivités, de restauration, de l'agroalimentaire...), présentent en revanche une stagnation. Les aides de l'Ademe (à hauteur de 44 millions d'euros sur les années 2009 à 2011) sont également principalement orientées vers les opérations de méthanisation agricole. La publication imminente de quatre décrets et quatre arrêtés relatifs à l'injection dans les réseaux du biogaz produit devrait constituer un levier important.