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TERRITOIRES

Circuit court devient grand

LA RÉDACTION, LE 1er AVRIL 2012
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Pommes chinoises, asperges du Chili, tomates du Maroc... Alors que le Made in France et les relocalisations sont sur toutes les lèvres, pourquoi ne pas commencer par l'alimentation ? Tout le monde y trouve son compte. Les militants d'une agriculture paysanne défendent le développement du lien entre producteurs et consommateurs ; les collectivités, le maintien d'une activité économique locale ; les défenseurs de l'environnement, des modes de production avec peu ou pas d'intrants. C'est entre 2007 et 2010 que les circuits courts commencent vraiment à se structurer. D'abord, à l'initiative de l'Union européenne, qui a conduit à la création du Réseau rural français. En 2009, le ministre de l'Agriculture, à l'époque Michel Barnier, constitue un groupe de travail sur le sujet. En ressort une définition officielle (« zéro ou un intermédiaire maximum ») et un plan d'action. Sur le plan réglementaire, les lois Grenelle ont imposé 20 % de produits d'origine biologique ou sous signe de qualité dans les cantines en 2012. On plafonne à 2,8 %. « C'est la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, dite LMA, votée en juillet 2010, qui a étendu l'obligation aux produits issus de circuits courts », souligne François Champanhet, sous-directeur de l'Organisation économique, des Industries agroalimentaires et de l'Emploi au ministère de l'Agriculture. Et notamment à travers le Plan national d'alimentation, issu de la LMA, qui préconise de développer l'approvisionnement local dans les collectivités. Dernier volet : la refonte du code des marchés publics, via un décret du 25 août 2011, qui facilite les circuits courts pour les produits de l'agriculture. En 2010, selon le recensement général agricole, 21 % des exploitants commercialisent leurs produits en circuits courts, pour l'essentiel sur les marchés de plein-vent. Les Amap, très médiatisées, ne concernant que 1 % des exploitations. « Les circuits courts ont toujours existé. Leur renouveau est lié à une forte demande des consommateurs et à la perspective d'une amélioration de la valeur ajoutée pour le producteur », souligne Isabelle Froux, en charge des circuits courts à l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture ( APCA). Mais, paradoxalement, alors que le mouvement semble amorcé, l'État se désintéresse de la question. « Il n'y a plus de réunion du comité de pilotage », relève Julien Labriet, chargé de mission sur la restauration collective biologique et les circuits courts à la Fédération nationale d'agriculture biologique ( Fnab). « Les textes réglementaires sont en place », rétorque François Champanhet, au ministère de l'Agriculture. Yuna Chiffoleau, chercheuse à l'Inra, a été missionnée pour construire un référentiel technico-économique sur les circuits courts. Produits et modèles d'affaires différents, de l'Amap à la grande ferme, ont été étudiés et leur viabilité analysée. Bref, une mine d'informations pour les banquiers sollicités pour soutenir l'installation d'agriculteurs. Mais la question n'est plus au goût du jour. « Aucune publicité n'est faite autour de ce travail », regrette-t-elle. Même son de cloche au Réseau rural français pour lequel elle travaillait aussi : « Le ministère nous a indiqué que notre mission était terminée, et que c'était aux collectivités de s'organiser. » Et, de fait, les collectivités prennent la relève : d'abord, à travers la restauration collective, mais aussi en pesant sur les outils de transformation. « Quand les collectivités s'impliquent, ça va vite », constate Yuna Chiffoleau. Et ce, qu'il s'agisse de gestion directe ou concédée. Mouans-Sartoux (06) arrive à l'autonomie complète à la belle saison ; Saint-Étienne (42), qui travaille avec Elior, aura atteint 50 % d'aliments locaux en trois ans, à la fin de l'année. Mais passer au local ne va pas de soi. D'ailleurs, sur le terrain, les acteurs parlent plus de proximité que de circuits courts. Ainsi, Saint-Étienne s'approvisionne au sein du département de la Loire ou d'un département limitrophe. Car le premier défi reste de trouver les fournisseurs. Pour cela, les collectivités passent par les chambres d'agriculture. « C'est une mission nouvelle : nous travaillons sur l'approvisionnement local de la restauration collective depuis dix-huit mois », explique Isabelle Froux. Et, aujourd'hui, presque toutes les chambres ont un référent. Autre obstacle : tous les produits ne sont pas disponibles localement et, quand ils le sont, paradoxalement, les circuits de commercialisation n'ont pas prévu de distribution locale. Ainsi, il est quasiment impossible pour une école parisienne de trouver un pain à base de blé francilien... « C'est pourquoi il faut partir de l'offre pour dimensionner la demande », souligne Vincent Perrot, au sein du cabinet-conseil Vivrao qui croit à la conversion des cultures. Par ailleurs, les cuisines centrales ne peuvent pas faire la tournée des différents producteurs tous les matins, ni recevoir une facture pour chaque produit. Elles sont organisées pour passer des commandes en fonction des menus programmés. Pour cela, les plateformes, physiques ou virtuelles, regroupant les produits bio ont une longueur d'avance. « Nous y travaillons depuis 2000 ; aujourd'hui, il en existe 23 », explique Julien Labriet, à la Fnab. Ainsi, à côté de ses magasins approvisionnés en bio et local, le réseau Biocoop a créé la filiale Biocoop Restauration en 2003. « Nous avons des conventions avec quasiment tous les groupements de producteurs bio en France, qui sont les interlocuteurs directs des cuisines centrales. Nous apportons le complément », explique Philippe Jouin, directeur de Biocoop Restauration. Seules les régions de l'Est et l'Aquitaine ne sont pas encore couvertes par le dispositif. Mais en agriculture conventionnelle, tout reste à faire. C'est le constat du syndicat mixte Rhône Pluriel, qui a poussé à la création de l'association Recolter (pour Restauration collective et terroir), en mars 2010. « Aujourd'hui, deux personnes prennent les commandes de la restauration collective et composent les palettes, à partir de 80 références de producteurs, des prix lissés sur l'année, et rémunérateurs », souligne Perrine Contreau, chargée de mission agriculture chez Rhône Pluriel. Cinquante restaurants sont des usagers réguliers. Mais, pour les prestataires, c'est un changement d'organisation. « Avant, nous travaillions avec les distributeurs nationaux ; maintenant, avec les producteurs et les abattoirs de proximité », explique Sophie Leymerigie, responsable développement durable achats chez Elior. Pour cela, l'entreprise travaille avec Vivrao pour mailler le territoire et trouver les producteurs locaux. Pour ses cuisines, elle fournit des mercuriales, ces bulletins indiquant la disponibilité et le prix des produits, avec la mention d'origine. Son concurrent Compass (Eurest, Scolarest et Medirest) indique depuis novembre 2011 les produits issus d'un rayon de 150 km. « Le dispositif fonctionne en Île-de-France et en Alsace, et sera déployé au niveau national d'ici à cet automne », indique Sarah Etcheverry, directrice des achats alimentaires. Autre problème de taille : les cuisines centrales n'ont plus de légumeries et ne peuvent donc recevoir les légumes tout juste récoltés. Du coup, les premières plateformes collectives de transformation émergent. Dans le Territoire-de-Belfort, une légumerie destinée à fournir les collèges en produits locaux a ouvert en janvier. À Flins-sur-Seine (78), la Cuma Bio Val de Seine vient d'inaugurer une installation bio, ouverte aux membres de l'association Fermes Bio Île-de-France (la structure collective économique des producteurs biologiques), soit 25 producteurs et 200 tonnes de légumes par an. « Cette légumerie fournit des légumes de 4e gamme (lavés et épluchés), à la restauration collective d'Île-de-France », explique Angélique Piteau, responsable des relations publiques du Groupement des agriculteurs bio d'Île-de-France ( GAB), partie prenante du projet. Ce projet de longue haleine a nécessité un investissement de 200 000 euros, et a vu le jour grâce à de nombreux soutiens : la Région, la Driaaf, les chambres d'agriculture, l'agence de l'eau Seine-Normandie, etc. Ces structures collectives sont le chaînon manquant pour sécuriser aussi bien les cuisines dans leur approvisionnement que les agriculteurs dans leur production. La même difficulté existe pour la viande, du fait de la disparition des abattoirs locaux au profit de structures centralisées. Là aussi, les acteurs cherchent des solutions. Dans l'Ain, une association d'éleveurs réfléchit à la possibilité d'un abattoir en circuit court. « Il existe d'autres possibilités, comme des boucheries fermières, où la découpe se fait à la ferme, ou l'utilisation des laboratoires d'un lycée agricole », illustre Guillaume Petit, à la chambre d'agriculture de l'Ain. « Il faut développer les outils de transformation à la ferme. Les agriculteurs doivent diversifier leur activité, les aides de la PAC vont sans doute se réduire », alerte Hélène Gassin, vice-présidente de la Région Île-de-France. Mais la restauration collective n'est pas le seul levier pour stimuler les circuits courts. Des réflexions sont également en cours, en Rhône-Alpes et dans le Nord-Pas-de-Calais, pour faire connaître les possibilités locales aux PME de l'industrie agro-alimentaire. D'autres initiatives visent à toucher le consommateur. Si les marchés et la vente à la ferme ont toujours existé, ils sont aujourd'hui complétés par d'autres modes de commercialisation, comme les Amap. Depuis la première créée à Aubagne (13), en 2001, 1 200 autres se sont créées, touchant ainsi 50 000 familles. Mais l'engagement d'un panier hebdomadaire à l'année ne convient pas à tous. Dans ce cas, il faut aller... à la gare SNCF la plus proche. En 2012, environ 45 gares franciliennes distribuent des paniers fraîcheur, soit plus de 20 tonnes de fruits et légumes par semaine ! Alors, bientôt les 381 gares du réseau dotées de paniers fraîcheur ? Hélas, non... Car les producteurs acceptant de se déplacer près de Paris sont peu nombreux, et leur production est limitée. En revanche, l'opération a trouvé un terreau fertile en province : il existe désormais des paniers à Aix-en-Provence (13), Marmande (40), Colomiers (31), Chaumont (52), Lunéville (54), Elbeuf (76), etc. Autre piste : les points de vente collectifs, qui regroupent 12 à 14 producteurs en moyenne sur un même lieu, sont en plein développement. « J'ai accompagné 60 projets dans 30 départements », compte Guillaume Petit, référent national de l'APCA sur le sujet. Ce sont des structures de vente directe, sans transfert de propriété des produits, tenus par les producteurs. Les critères de réussite ? « Un : le groupe ; deux : le groupe : trois : le groupe ! 50 % de la réussite d'un projet repose sur l'humain », martèle Guillaume Petit. Indispensable, quand la concrétisation d'un projet nécessite entre trente et trente-six mois. Les 50 % restants sont liés au choix du site, des possibilités de stationnement, de la variété de l'offre et des horaires. On compte aujourd'hui un point de vente collectif pour 40 000 habitants, quand le potentiel serait de 1 pour 20 000 habitants. Une telle structure a vu le jour à Villeneuve-d'Ascq (59), la Ferme du Sart. Porté par Matthieu Leclercq, un ancien de la grande distribution, grâce à un investissement de 8 millions d'euros, ce lieu réunit depuis 2007, sur 11 hectares, des cultures maraîchères et un espace de vente. « Plus de la moitié des produits sont fournis par 25 agriculteurs en circuits courts », explique Charles d'Hallendre, cofondateur et chargé de la communication. Le reste, ce sont des tomates en toute saison, des agrumes, du fromage, etc., indispensables pour conserver la clientèle. O'Tera, la société mère, a déjà ouvert un deuxième magasin et prévoit un déploiement en Île-de-France, via un système de franchise qui conserverait l'approvisionnement local. D'autres initiatives existent, comme Eco Miam en Bretagne, qui commercialise dans le Finistère des produits issus de circuits courts... surgelés. La plupart des grandes enseignes ont aussi misé sur ce créneau. « Tous les grossistes de l'agroalimentaire et de la restauration collective ont développé une gamme locale. Mais à quelles conditions sociales ont-ils été produits, et à quel prix ont-ils été achetés aux producteurs ? » s'interrogent les acteurs historiques des circuits courts. Il est pourtant possible de distribuer des produits issus de l'agriculture locale sans adopter les travers de la grande distribution. C'est ce que fait Alter Eco avec sa gamme de légumineuses et de muesli équitables Nord-Nord, issus de l'agriculture biologique, via un partenariat à long terme avec les 120 producteurs de la Charente-Maritime réunis en coopérative. « Un retour en arrière n'est plus possible. Les collectivités locales s'engagent et équipent les territoires ; cela crée des emplois, du lien social », est persuadée Yuna Chiffoleau. Pour aller encore plus loin, il ne faut pas oublier les marchés. Avec de nouveaux horaires, pour les adapter au rythme de la vie moderne. Il faut aussi distinguer les producteurs locaux, qui ne se différencient pas de ceux qui se fournissent au marché de gros. Autre piste : travailler avec les épiceries de proximité dans les villages... Entre les circuits courts et le consommateur, l'histoire ne fait que (re)commencer.


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