Ca a Marseille, 26 juin 2012, Sa r l Tom Tea et T. n° 12MA00224 et 12MA00225
Dans ce contentieux portant sur une contravention de grande voirie, les conclusions du rapporteur public rappellent les conditions de recevabilité en matière de tierce opposition, tandis que la cour statue sur le bien-fondé de cette opposition, avant de la rejeter.
Considérant que, par un arrêt n° 11MA01671 en date du 3 octobre 2011, la Cour de céans a rejeté la requête, présentée par M. Ange T., exploitant de l'établissement « La Voile Rouge » situé sur la plage de Pampelonne à Ramatuelle, tendant à l'annulation du jugement n° 1000900 du 25 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulon a prononcé sa condamnation, d'une part, à supprimer, à peine d'astreinte, les installations objet du procès-verbal de contravention de grande voirie du 30 juillet 2009, d'autre part, au paiement d'une amende et, enfin, a autorisé le préfet du Var à procéder d'office à la suppression desdites installations à l'expiration du délai imparti à M. Ange T. ; que M. Antoine T., demi-frère de M. Ange T. et gérant et unique associé de la Sa r l To m Te a, forme tierce opposition à l'arrêt susvisé du 3 octobre 2011 ;
Sur le bien-fondé de la tierce opposition :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 7746 du Code de justice administrative : « Le jugement est notifié aux parties, à leur domicile réel, dans la forme administrative par les soins du préfet, sans préjudice du droit de la partie de le faire signifier par acte d'huissier de justice. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces versées par le ministre, que, contrairement à ce que soutient M. T., le jugement du tribunal administratif de Toulon en date du 25 mars 2011 susvisé a été notifié à M. Ange T., dans la forme administrative, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 774-6 du Code de justice administrative ; que, par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance desdites dispositions manque en fait et ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, et d'une part, qu'en principe, un désistement a le caractère d'un désistement d'instance et qu'il n'en va autrement que si le caractère de désistement d'action résulte sans aucune ambiguïté des écritures du requérant ; que lorsque le dispositif de la décision de justice qui donne acte d'un désistement ne comporte aucune précision sur la nature du désistement dont il est donné acte, ce désistement doit être regardé comme un désistement d'instance ; que, toutefois, les décisions de justice irrévocables à la date de la décision du Conseil d'État n° 314297 du 1er octobre 2010, laquelle a modifié les règles s'appliquant au désistement, doivent être regardées, lorsque le désistement dont elles donnent acte n'est pas expressément qualifié, comme ayant donné acte d'un désistement d'action en application de la règle jurisprudentielle ancienne ; que, d'autre part, en raison de l'autorité de chose jugée qui s'attache à la décision qui prononce un désistement d'action, une nouvelle demande présentée par le même requérant ayant la même cause et le même objet que celle s'étant conclue sur le désistement ne peut qu'être rejetée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une ordonnance n° 00-4782 du 13 septembre 2001, le président de la 5e chambre du tribunal administratif de Nice a donné acte au préfet du Var de son désistement des poursuites de contravention de grande voirie diligentées à l'encontre de M. Paul T. à raison de l'occupation sans droit ni titre du domaine public maritime de la plage de Pampelonne à Ramatuelle ; que l'ordonnance dont s'agit ne qualifie pas le désistement dont il est pris acte ; qu'ainsi, cette décision juridictionnelle, dont il est constant qu'elle était irrévocable à la date de la décision précitée du Conseil d'État du 1er octobre 2010, doit être regardée comme ayant donné acte d'un désistement d'action ; que si, en raison de l'autorité de chose jugée qui s'attache à une telle décision juridictionnelle, une nouvelle demande présentée par le même requérant ayant la même cause et le même objet que celle s'étant conclue sur le désistement ne peut qu'être rejetée, en l'espèce, l'action du préfet du Var dont il s'est désisté concernait M. Paul T. et non M. Ange T. comme c'était le cas de l'action engagée devant le Tribunal administratif de Toulon ayant donné lieu à l'intervention du jugement du 25 mars 2011 ; qu'ainsi, en l'absence d'identité de parties, la circonstance qu'il aurait été donné acte du désistement antérieur du préfet du Var ne faisait pas obstacle à ce que soit reconnu le bien-fondé de l'action nouvelle engagée par le préfet du Var devant le tribunal administratif de Toulon ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 774-2 du Code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au présent litige : « Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. / La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / La notification indique à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. / Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance. » ;
Considérant, d'une part, que le délai de dix jours fixé par lesdites dispositions n'est pas prescrit à peine de nullité de la procédure ; que le tiers opposant n'allègue pas que le délai qui s'est écoulé entre la date du procès-verbal de contravention et sa notification à M. Ange T. aurait été de nature à porter atteinte aux droits de la défense de l'intéressé ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des justificatifs apportées par le ministre devant la Cour de céans que la notification à M. Ange T. du procès-verbal de contravention dressé à son encontre le 30 juillet 2009 comportait la mention exigée par l'alinéa 3 de l'article L. 774-2 du Code de justice administrative ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées dudit article ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, que si M. Paul T. a obtenu des autorisations d'occupation temporaire du domaine public du lot de plage sur lequel ont été édifiées les installations, objet du procès-verbal de contravention de grande voirie en litige, il est constant que l'intéressé n'a plus disposé de telles autorisations à compter du mois de mars 2000 ; qu'il est également constant que ni M. Ange T. ni le tiers opposant ni la Sa r l To m Te a n'ont disposé de telles autorisations d'occupation du domaine public pour le maintien de ces installations sur le domaine public maritime ; que la double circonstance que M. Paul T. a obtenu un permis de construire, délivré le 19 février 1983, pour l'édification des installations litigieuses, alors que cette autorisation a été délivrée sur le fondement de la réglementation d'urbanisme, et que l'intéressé justifierait d'un droit de propriété sur les installations en cause transféré à ses enfants, est sans influence sur la matérialité de la contravention de grande voirie constatée par le procès-verbal du 30 juillet 2009 et n'est pas de nature à exonérer M. Ange T. des poursuites diligentées à son encontre et de sa condamnation à la suppression desdites installations maintenues irrégulièrement sur le domaine public en l'absence de toute autorisation d'occupation du domaine public ;
Considérant, en cinquième lieu, que contrairement à ce que soutient le tiers opposant, le désistement antérieur du préfet du Var sus-évoqué ne saurait être regardé comme une autorisation tacite donnée à M. Paul T. d'occuper le lot de plage de Pampelonne, sur lequel ont été édifiées les installations litigieuses alors qu'au demeurant seul le maire de ladite collectivité, à laquelle l'État avait concédé l'exploitation des plages naturelles situées sur son territoire, était compétent pour délivrer une autorisation d'occupation du domaine public ;
Considérant, en sixième lieu qu'aux termes de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement, et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle… » ;
Considérant, d'une part, que le tiers opposant, en se bornant à soutenir que, « compte tenu des instances toujours pendantes » concernant M. Ange T., sans en préciser ni la nature ni l'objet, ne met pas à même la cour de déterminer pour quels motifs les poursuites engagées par le préfet du Var, dans le cadre de la procédure de contravention de grande voirie en litige, auraient été de nature à méconnaître les droits de la défense de M. Ange T. tels que garantis par les stipulations précitées de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce moyen, dépourvu des précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien-fondé doit, par suite, être écarté ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 2132-3 du Code général de la propriété des personnes publiques : « Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende. » ; que lesdites dispositions définissent les infractions propres au domaine public maritime naturel dont la constatation justifie que les autorités chargées de la conservation de ce domaine engagent, après avoir cité le contrevenant à comparaître, des poursuites conformément à la procédure de contravention de grande voirie prévue par les articles L. 774-1 à L. 774-13 du Code de justice administrative ; que, dans le cadre de cette procédure, le contrevenant peut être condamné par le juge, au titre de l'action publique, à une sanction pénale consistant en une amende ainsi que, au titre de l'action domaniale, et à la demande de l'administration, à remettre lui-même les lieux en état en procédant à la destruction des ouvrages construits ou maintenus illégalement sur la dépendance domaniale ou à l'enlèvement des installations ; que si le contrevenant n'exécute pas les travaux dans le délai prévu par le jugement ou l'arrêt, l'administration peut y faire procéder d'office, si la loi le prévoit ou si le juge l'a autorisée à le faire ;
Considérant que l'exécution des mesures de remise en état du domaine étant ainsi, en vertu des dispositions précitées, subordonnée à l'accomplissement régulier d'une procédure juridictionnelle préalable, la procédure de contravention de grande voirie assure la garantie des droits de la défense non seulement pour le contrevenant, mais aussi pour tous occupants de son fait y compris le cas échéant pour le propriétaire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les droits de la défense de M. Antoine T. auraient été méconnus ne peut qu'être écarté ;
(…) Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de communiquer le dossier relatif à l'instance n° 11MA01671, que la requête en tierce opposition présentée par M. Antoine T. doit être rejetée.
CONCLUSIONS
M. Paul T. a exploité le bien connu établissement dénommé « La Voile Rouge » à Ramatuelle. Cet immeuble est situé sur le lot n° 6, d'une surface d'environ 2 076 m², relevant du domaine public maritime concédé à la commune. Cette dernière a décidé de déléguer le service public des bains de mer et a, à cet effet, divisé la plage en 36 lots, mais le lot n° 6 n'a finalement pas été attribué, la commune de Ramatuelle souhaitant le rétablir en son état naturel comme en témoigne la délibération du 24 mars 2000. M. T. a néanmoins continué l'exploitation de ce lot. Il est décédé le 1er février 2005 et l'un de ses deux fils, M. Ange T., a décidé de poursuivre l'exploitation commerciale de cet établissement. Après procès-verbal de contravention de grande voirie établi le 30 juin 2009 par un agent de l'État assermenté, le tribunal administratif de Toulon a, à la demande du préfet du Var, par jugement du 25 mars 2011, condamné M. T., sous astreinte définitive de 750 € par jour de retard, à supprimer ses installations dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, au paiement d'une amende de 1 500 € et a autorisé le préfet à procéder à la suppression desdites installations d'office à ses risques et périls passé ce délai d'un mois (1). Vous avez été saisis de l'appel contre ce jugement que vous avez rejeté par arrêt lu le 3 octobre 2011 (2). C'est de cette décision dont M. Antoine T., l'autre fils de M. T., et la Sa r l Tom Tea, dont M. Antoine T. est le gérant, entendent faire tierce opposition au motif qu'ils n'ont pas été représentés dans cette instance.
Vous devrez statuer sur la recevabilité de leur tierce opposition. Selon les dispositions de l'article R. 832-1 du Code de justice administrative, « Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ». Ainsi que le juge le Conseil d'État, « la personne qui, devant le tribunal administratif, est régulièrement intervenue en défense à un recours pour excès de pouvoir n'est recevable à interjeter appel du jugement rendu contrairement aux conclusions de son intervention que lorsqu'elle aurait eu qualité, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce opposition au jugement faisant droit au recours » (3).
Celui qui fait tierce opposition doit justifier d'un droit et non d'un simple intérêt lésé. Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, ce droit doit être en relation directe avec la décision contestée (4). Il n'a pas nécessairement à être lésé, puisque la jurisprudence admet cette action lorsqu'il est seulement susceptible de l'être par la décision de justice concernée (5).
Nous sommes dans l'hypothèse de contravention de grande voirie, et non dans le contentieux de l'annulation. Cette procédure sanctionne un comportement illicite, c'est-à-dire comme en l'espèce l'absence de titre d'occupation et/ou l'atteinte portée à l'affectation des dépendances du domaine public autre que routier. Si la condamnation à payer une amende et à démolir les installations implantées est susceptible d'entraîner pour l'occupant divers préjudices, ceux-ci ne peuvent cependant être mis en relation avec un quelconque droit acquis qui pourrait être lésé. En effet, il n'y a pas de droit à l'occupation privative des dépendances du domaine public, ni de droit de propriété sur celles-ci. C'est sans doute pourquoi est invoquée dans les requêtes la circonstance que les immeubles devant être démolis avaient été édifiées en vertu d'un permis de construire délivré par arrêté du maire en date 19 février 1983. Mais ce permis n'est pas clair puisque s'il émane de la commune, il a été délivré à une société dont vous ne savez rien, ni même s'il s'agit de celle créée à l'époque par M. T. père pour les besoins de son exploitation. Vous ne connaissez pas non plus la nature des travaux envisagés. Vous savez seulement que le terrain d'assiette concerné est le lot n° 6. Vous ne savez donc pas si les constructions ont été édifiées en vertu de ce titre. Le droit de construire de M. T. n'est pas justifié par cette seule pièce. Mais à le supposer, et en tout état de cause, il ne saurait être utilement invoqué en matière de contravention de grande voirie en raison du principe d'indépendance des législations que vous appliquez régulièrement. Notons, si vous lisez ce moyen en page 6 de la requête d'appel, qu'il s'agit en réalité du seul droit invoqué comme étant lésé. À répondre au moyen strictement interprété, la première condition n'est pas remplie. Voyons cependant la seconde.
Celui qui fait tierce opposition doit avoir été tiers dans l'instance à l'origine de la décision de justice contestée. Il est constant que M. T. et la Sa r l Tom Tea n'ont pas été appelés à l'instance. Ils n'avaient donc pas la qualité de parties et ne pouvaient non plus faire appel. D'où la tierce opposition. Cette qualité est acquise dès lors que l'intéressé n'a été ni appelé, ni représenté à l'instance. C'est là toute la question : M. Ange T. a-t-il représenté son frère Antoine et la Sa r l Tom Tea au cours de cette instance ?
Tel est le cas dès lors que les intérêts entre celui qui était partie et celui qui fait tierce opposition sont concordants. Reste à définir ce que cette notion recouvre et la jurisprudence est particulièrement subtile selon les matières et domaines concernés. Par exemple, en matière d'immeubles menaçant ruine, un locataire n'a pas qualité pour faire tierce opposition contre la décision prise par le maire (6). En matière d'urbanisme, le propriétaire d'un terrain qui a consenti une promesse de vente à une société qui s'est vue refuser le permis de construire est considéré comme représenté par celle-ci dans l'instance (7). Son action en tierce opposition contre la décision juridictionnelle rejetant la demande d'annulation du refus de délivrer un permis de construire n'est donc pas recevable. Tout dépend en réalité de l'étendue des droits des intéressés, qui ne sont pas nécessairement les mêmes entre un locataire et un propriétaire. Ainsi, s'agissant plus particulièrement du contentieux de la contravention de grande voirie, un locataire est regardé comme ayant les mêmes intérêts que le propriétaire de l'immeuble dont la démolition a été ordonnée. Il doit donc être considéré comme ayant été représenté dans l'instance par le propriétaire (8). En revanche, le propriétaire n'a pas des intérêts concordants avec le locataire, car ses droits sont plus importants que ceux défendus par le locataire et ce dernier ne saurait donc le représenter (9). Dans un arrêt du 4 mai 1937, Rossi (10), a été admise la tierce opposition d'une personne à l'encontre de laquelle avait été dressé le procès-verbal sans qu'elle n'ait été mise en cause pour autant dans l'instance, les autres contrevenants n'ayant pas été regardés comme le représentant. Nous flirtons ici avec le principe pénal de personnalité de la peine. Qu'en est-il ici ?
Est en premier lieu invoquée la qualité d'exploitants des installations concernées par la contravention de grande voirie et condamnées à la démolition. Depuis l'arrêt de Section du 5 juillet 2000, Ministre de l'Équipement, des Transports et du Logement c/ Chevallier (11), le Conseil d'État est revenu sur la jurisprudence Seillier du 6 mai 1932 (12) et c'est désormais la notion de garde, et non celle de propriété qui importe : « (…) la personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est, soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait la chose qui a été la cause du dommage » ou de la contravention (13). M. Ange T. a été condamné en cette qualité, puisqu'il était réputé en sa qualité de gestionnaire et d'exploitant en avoir la garde, comme l'a désormais la Sa r l Tom Tea et le sociétaire principal de celle-ci, son frère. Aussi leurs intérêts sont-ils nécessairement concordants au regard de cette qualité invoquée.
La Sa r l Tom Tea invoque en second lieu une qualité supplémentaire, celle de coïndivisaire des installations et soutient que M. Ange T. ne pouvait donc pas la représenter. L'indivision permet-elle de justifier la représentation de l'un des coïndivi-saires par un autre ? Le Conseil d'État a eu l'occasion de juger, non à propos d'une contravention de grande voirie, mais dans le cadre d'une action en démolition d'un immeuble appartenant à des époux, recevable la tierce opposition de l'époux non mis en cause dans l'instance au motif qu'il ne pouvait être regardé comme ayant été représenté par sa femme qui, elle, y avait été appelée. Il a considéré que l'arrêté de démolition préjudiciait à ses droits et que « l'indivisibilité des droits des époux (…) sur leur partie de l'immeuble ne pouvait avoir pour effet de conférer à l'arrêté rendu contre la femme seule l'autorité de chose jugée à l'égard du mari » (14). Dans le même sens, la Cour de cassation considère que la communauté d'intérêts ne suffit pas à caractériser la représentation (15). Dans une affaire concernant une action en revendication de propriété introduite par une personne décédée en cours d'instance, sept de ses dix enfants avaient repris l'instance. La prescription acquisitive à leur profit avait été admise, mais un des trois enfants non appelés avait fait tierce opposition. La Cour de cassation a considéré que son action était recevable puisqu'il ne pouvait être regardé comme ayant été représenté. Les intérêts devaient en effet être concordants et on comprend que l'acquisition d'une propriété puisse satisfaire certains des enfants et pas d'autres, par exemple parce qu'en contrepartie, des frais seront ou devront être engagés. Les intérêts, notamment financiers, peuvent diverger au sein d'une fratrie comme d'une famille. Mais, au contraire, les intérêts sont ici convergents. Il est évident qu'aucun des frères T. comme la société ne souhaitent la démolition des immeubles. Dans le présent litige, les intérêts présentés sont semblables et concordent nécessairement, car ils veulent tous éviter la démolition des immeubles construits sur une dépendance du domaine public.
De plus, le procès-verbal de constatation de l'infraction date de 2009 et le jugement de condamnation date du 25 mars 2011 et la requête d'appel du 29 avril 2011. L'établissement et ses annexes « La Voile rouge », qui portent sur une surface de 1 800 m², sont aujourd'hui juridiquement exploités par la Sa r l Tom Tea. Le montage est le suivant : cette société, divisée en 100 parts appartenant à M. Antoine T., a été créée le 9 juin 2011, c'est-à-dire après le jugement de condamnation et avant que vous ne rejetiez la requête d'appel de M. Ange T. Admettre la recevabilité de l'action de la Sa r l Tom Tea reviendrait à remettre en cause l'autorité de chose jugée. Une telle décision aurait pour effet de permettre au particulier condamné d'introduire pendant des années le même recours avec un représentant différent au moyen de structures sociales successives. Un tel jeu d'écritures sociales et juridiques reviendrait à ruiner l'action des préfectures pour la remise en état des lieux et donc de soumettre l'intérêt général au seul intérêt privé du contrevenant. Ce n'est pas admissible, d'autant que, comme nous l'avons dit, M. Ange T. a été poursuivi en sa qualité d'exploitant et comme ayant la garde de la chose, qualité qui au demeurant n'était pas contestée. À la date des faits, la Sa r l Tom Tea comme M. Antoine T. n'avaient aucun droit lésé et aucune qualité pertinente à faire valoir pour justifier estimer ne pas avoir été représentés par M. Ange T. Leurs deux requêtes ne sont donc pas recevables et vous pourrez par suite rejeter l'ensemble de leurs conclusions. Par ces motifs, nous concluons au rejet des requêtes.