Utiliser des bactéries pour traiter des eaux usées, produire de l'électricité et dessaler l'eau est désormais possible. Une équipe de chercheurs américains et chinois a en effet réussi à mettre au point, pour la première fois, une pile à combustible microbienne capable de remplir ces trois fonctions simultanément.
Le Pr Bruce Logan, responsable de l'équipe de recherche sur les bioénergies à l'université de Penn State, en Pennsylvanie, s'est lancé dans ce projet pour répondre à plusieurs problèmes. Il confie : «Entre 3 à 5% de l'électricité que nous produisons aux États-Unis sont utilisés pour les infrastructures de distribution et de traitement de l'eau. Par ailleurs, les grandes métropoles de l'Ouest ont des problèmes d'approvisionnement et devront dessaler de l'eau.»
La pile microbienne comporte trois cuves séparées par des membranes qui sont capables d'arrêter les ions positifs ou les ions négatifs. Une première cuve - l'anode - contient une eau chargée en matière organique que des bactéries dégradent, produisant de l'électricité et des protons, chargés positivement. Ces derniers sont bloqués par une membrane qui ne laisse passer que les ions négatifs issus de la cuve du milieu, où se trouve l'eau salée. De l'autre côté de celle-ci, une autre cuve - la cathode - où le nombre de protons diminue, attirant les ions positifs de la cuve d'eau salée. Lorsque le cycle s'interrompt, l'anode et la cathode ayant atteint un équilibre entre ions positifs et négatifs, l'eau de la cuve du milieu a alors été dessalée à 90 %.
Les chercheurs ont utilisé, pour mieux contrôler les conditions de leur expérience, une solution d'acide acétique comme source organique. «Nous avons déjà commencé à tester diverses solutions organiques pour optimiser le système avant d'utiliser des eaux usées, dont la composition varie beaucoup d'un jour à l'autre », poursuit Bruce Logan. Le professeur reconnaît qu'il est encore difficile d'imaginer quelles seront les meilleures applications pour cette approche issue d'une technologie encore très nouvelle : «Les piles à combustible microbiennes sont encore peu connues, mais on peut déjà imaginer que notre modèle pourrait être utilisé par la ville de Los Angeles pour traiter à moindre coût énergétique ses eaux usées tout en dessalant partiellement une eau qui, pour être consommée, devra de toute façon passer par une étape d'osmose inverse qui deviendrait ainsi bien moins coûteuse.»
Quelques obstacles techniques restent à surmonter avant que cette pile à combustible puisse sortir du laboratoire. Toute application industrielle nécessitera également la mise au point d'un procédé en continu par un passage à travers différentes cellules pour éviter leur saturation. «Il nous faudra sans doute encore au moins deux ans de travail avant de pouvoir envisager les premiers essais en conditions plus réelles avec des eaux usées », prévient Bruce Logan. Il est cependant confiant, d'autant que son équipe vient de lancer un essai pilote de pile à combustible bactérienne, capable de produire de l'hydrogène à partir des eaux usées d'une exploitation viticole de la Napa Valley.