Jusqu'en 1990, la courbe de la consommation d'eau potable à Paris n'a fait que grimper, atteignant un plafond de 255 millions de mètres cubes (Mm3) consommés par an. Elle s'est ensuite infléchie et a diminué d'environ 1 % par an, si bien qu'en 2010, la consommation annuelle est descendue à 200 Mm3. Dans le même temps, le rendement du réseau de distribution est passé de 80 % dans les années 1990 (représentant 60 Mm3 d'eau perdus par an) à plus de 95 % en 2009 (10 Mm3/an). Dans ce contexte, Eau de Paris a progressivement diminué sa production d'eau, et la Ville de Paris a finalement décidé d'arrêter une de ses usines. VARIÉTÉ DES SITES DE PRODUCTION Eau de Paris possède trois usines de production d'eau potable à partir d'eau de surface (Joinville, sur la Marne ; Orly et Ivry, sur la Seine), d'une capacité de 300 000 m3/j chacune, et capte aussi des eaux souterraines (traitées par les usines de Saint-Cloud et de L'Haÿ-les-Roses, aux portes de Paris, ainsi qu'à Sorques et Longueville, au plus près des captages) à hauteur de 357 000 m3/j. Cela représente un total de 1 257 000 m3/jour. Le choix de l'usine à arrêter s'est fait entre celles qui utilisent une eau de surface. « Nous avons souhaité conserver une usine sur chaque vecteur de ressource (la Seine et la Marne), ce qui nous a amenés à choisir entre les usines d'Ivry et d'Orly. Sachant notamment que celle d'Ivry se trouve à l'aval de l'usine d'épuration de Valenton, et celle d'Orly à l'amont, le choix s'est donc porté sur l'usine d'Ivry », explique Nicolas Gendreau, directeur général adjoint en charge de la production et de la distribution d'Eau de Paris. Avec l'arrêt de cette usine, la capacité de production a été ramenée à 957 000 m3/j, sachant que la consommation quotidienne moyenne est de 550 000 m3/j. « Ce qui compte, c'est le débit de pointe, qui est de 770 000 m3/j, ce qui nous laisse encore une marge de sécurité de plus de 25 % et nous permet de gérer le risque pollution ou nos opérations régulières de maintenance », ajoute-t-il. Pour assurer la distribution de l'eau à l'est de la capitale, il a été nécessaire de construire une liaison par canalisation entre les sites d'Orly et d'Ivry, et d'installer un surpresseur pour remonter l'eau. Cette nouvelle organisation est opérationnelle depuis février, et l'intégralité du personnel d'Ivry a été reclassé, notamment sur les sites de L'Haÿ-les-Roses et de Saint-Cloud. UNE VOLONTÉ POLITIQUE FORTE L'usine d'Ivry a donc arrêté de tourner, mais les équipements sont toujours en place. « Nous attendons la confirmation de la décision de la Ville de Paris sur le devenir du site, qui devrait avoir lieu lors d'un conseil de Paris en juillet », précise Nicolas Gendreau. Car la municipalité a de grandes ambitions pour valoriser ce site de 9 hectares sur la thématique de l'eau. Il va d'abord permettre à la régie parisienne de regrouper tous ses chercheurs, qui proviennent de l'ancien Crecep, ainsi que des laboratoires des usines d'Ivry, Orly et Joinville, et de créer ainsi un centre d'expertise et de recherche sur le thème de l'eau. « Chacun de ces laboratoires avait un rôle de contrôle qualité, mais ils possédaient également une compétence spécifique : microbiologie, bactériologie, etc. », explique-t-il. Ce sont ainsi 75 personnes qui vont être regroupées dans le bâtiment emblématique du site d'Ivry, aménagé en laboratoire pour un coût de 3,3 millions d'euros. Le projet ambitieux de la Ville de Paris consiste à associer au centre de recherche d'Eau de Paris une pépinière d'entreprises innovantes dans le secteur de l'eau (start-up et PME) et de laboratoires de recherche publics (université, centre de recherche public, etc.). « Il existe une volonté politique forte pour développer la recherche d'Eau de Paris, et de favoriser les partenariats avec la possibilité de faire des prototypes et pilotes communs, sur des sujets tels que le vieillissement des canalisations », ajoute Nicolas Gendreau. Une partie des anciens bassins et installations pourra être alors utilisée pour réaliser des expériences et des pilotes.