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ENERGIE

Un saut dans l'inconnu

LA RÉDACTION, LE 1er OCTOBRE 2007
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Frank Adisson est un homme heureux ! Le champion olympique 1996 de canoë biplace vient de ravir à EDF le droit de prétendre à la reprise de trois usines hydroélectriques dans les Hautes-Alpes. Originaire de cette région, ancien cadre de l'entreprise publique, fondateur et gérant de l'entreprise Hydro Développement, Frank Adisson n'a pas volé sa victoire. Cette concession est d'ailleurs la première perdue par l'opérateur historique (lire encadré). Depuis la loi de finance rectificative de 2006, EDF ne bénéficie en effet plus du « droit de préférence » qu'elle avait conservé malgré son changement de statut, et qui lui permettait d'être seule candidate à la reprise. Aujourd'hui, chaque concession arrivant à échéance fait l'objet d'un appel d'offres. Et avec la libéralisation désormais totale du marché de l'électricité, ce ne sont pas les candidats qui manquent... Dans ce contexte, à quelle sauce le parc hydraulique hexagonal va-t-il être mangé ? Chez EDF, on n'envisage « pas de conséquences importantes dans l'immédiat ». Les concessions qui expireront avant 2020 représentent en effet moins de 20 % de sa puissance hydraulique installée. L'entreprise précise qu'elle « cherchera à obtenir le renouvellement des concessions qui présentent un enjeu pour l'équilibre de son parc de production ». À savoir, les aménagements de lacs en montagne et les stations de transfert d'énergie par pompage (Step, lire Repères), soit une centaine d'ouvrages, car ce sont des installations capables de répondre immédiatement à une demande de pointe. Pour les autres, EDF indique tout de même mettre « systématiquement tout en oeuvre pour être choisi comme concessionnaire ». La bataille qui se prépare autour de cette énergie renouvelable compétitive s'annonce donc bien âpre. Anciens de renom ou jeunes pousses, presque tous les acteurs du marché de l'énergie s'avouent intéressés... Sans toutefois en dévoiler beaucoup plus sur leurs intentions. Poweo, par exemple, estime « prématuré » de s'exprimer sur le sujet et promet de le faire « vers la fin de l'année ». L'entreprise a cependant déjà déclaré souhaiter se concentrer sur les installations les plus puissantes (supérieures à 100 MW). Enel France, dont la maison mère gère 500 centrales en Italie, n'exclut pas, pour sa part, d'intégrer l'hydraulique dans son portefeuille de production. Endesa France (ex-Snet) envisage de « diversifier son mix énergétique ». Direct Énergie n'a pas répondu à nos sollicitations, tandis que le Canadien Hydroquébec, dont Les Échos avait évoqué l'intérêt au printemps, « n'est pas fermé à l'idée à long terme » mais « concentre ses efforts au développement de ses projets au Québec ». Le nouveau géant GDF-Suez pourrait bien devenir le concurrent le plus sérieux d'EDF : le quatrième énergéticien mondial exploite déjà 68 barrages en France, via la Compagnie nationale du Rhône ( CNR) et la Société Hydro-Électrique du Midi ( SHEM). Les 22 entreprises locales de distribution regroupées au sein de la SAS Alterna devraient également tenter de tirer leur épingle du jeu. « Alterna et GEG (Gaz et électricité de Grenoble) pourraient être intéressées. Nous allons examiner ce dossier en détail d'ici à la fin de l'année », indique Jean-Paul Giraud, qui dirige les deux structures. Même réponse chez le champion des énergies renouvelables Enercoop, où on se dit « intéressé » sans avoir, non plus, encore pris le temps d'étudier la question de manière approfondie. « Notre objectif est d'investir de manière coopérative sur des concessions qui ont le minimum d'impact sur le milieu aquatique », précise Julien Noé, directeur adjoint. Le jeune entrepreneur espère que ces renouvellements de concession permettront de redistribuer un tant soit peu les cartes dans ce « milieu très fermé ». De l'équilibre entre production d'énergie et qualité du milieu aquatique à l'exigence de sécurité des ouvrages, en passant par le devenir des salariés d'EDF travaillant sur les concessions perdues ou l'inquiétude des ONG face aux possibles changements d'interlocuteurs, l'enjeu est même bien plus large. Mais avant de se lancer dans la partie, favoris et outsiders attendent de connaître les nouvelles règles du jeu. De l'eau a en effet coulé dans les turbines depuis la loi de 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique (lire Repères), qui régit le système des renouvellements de concessions. Malgré cela, la Mission sur le renouvellement des concessions hydroélectriques emmenée par l'ingénieur général des Mines Jean-Pierre Leteurtrois n'estime, dans son rapport de novembre 2006, « ni nécessaire, ni souhaitable une réforme fondamentale du régime de renouvellement ». C'est plutôt sur les modalités d'application qu'il recommande d'intervenir, notamment en modifiant le décret du 13 octobre 1994 qui n'apparaît plus adapté au nouveau contexte concurrentiel. La loi de finance rectificative de 2006 a bien apporté quelques précisions, mais de nombreux points restent en suspens... Or, comme le souligne un rapport rendu en mars 2006 par le haut fonctionnaire au Développement durable de Bercy, Fabrice Dambrine, « l'hydraulique est un mode de production d'énergie très capitalistique » qui réclame « un environnement réglementaire et financier stable ». Délais glissants Les lourds investissements engagés pour la construction des ouvrages ont, à l'époque, justifié des durées de concession longues allant jusqu'à soixante-quinze ans. La mission Leteurtrois considère que la fourchette de trente à quarante ans, désormais en vigueur pour les renouvellements, « constitue un juste compromis entre [...] les contraintes économiques [...] et les aspirations écologiques, à la condition que les délais d'instruction des demandes de renouvellement soient ramenés à un niveau raisonnable. » Le rapport constate en effet que « les autorités concédantes ont laissé dériver la procédure de renouvellement [...]. La durée moyenne de la procédure s'établit à dix-huit ans. En outre, au 1er janvier 2006, plus de quarante titres étaient arrivés à échéance sans que le renouvellement soit intervenu et se trouvaient sous le régime du « délai glissant », équivalant à une prorogation informelle du titre initial. Dix-neuf titres étaient échus depuis plus de douze ans ». L'ingénieur général des Mines propose donc de « réduire de onze à cinq ans le délai fixé pour renouveler la concession, [...] d'abroger les délais glissants et d'instituer une procédure formelle de prorogation des concessions arrivant à échéance » invocable uniquement en cas de blocage avéré. Si les Drire ont bien reçu des consignes pour résorber ses délais glissants, aucune durée maximale n'a encore été fixée. Autre point soulevé par le rapport : les critères de choix des candidats à la reprise. Le document rappelle que le décret de 1994 prévoit de sélectionner d'abord les candidats techniquement et économiquement fiables, avant de les départager sur le projet lui-même. Pour juger de leur fiabilité, la mission ne préconise pas de « seuils particuliers », mais la constitution d'un « recueil de jurisprudence [...] de manière à éviter les contentieux susceptibles de résulter d'approches locales divergentes ». Le rapport suggère ensuite que pour la deuxième étape, le choix du futur concessionnaire repose sur trois critères : l'investissement prévu pour améliorer l'efficacité énergétique de l'aménagement, les efforts consentis au profit des autres utilisateurs de l'eau et le montant de la contribution qu'il « accepterait de verser à l'État en contrepartie de la concession ». Celle-ci « prendrait la forme d'une redevance proportionnelle aux recettes résultant de la vente d'électricité produite par la concession ». Cette proposition n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd, puisque la loi de finance rectificative de 2006 institue cette redevance en lieu et place de la notion d' « énergie réservée » (lire Repères) et en la plafonnant au quart des recettes de l'exploitant. « Nous ne proposions aucun plafond car les concessions amorties sont extrêmement juteuses », nous confie sur ce point Jean-Pierre Leteurtrois. Comme il le souhaitait, en revanche, une part significative (40 %) de cette redevance reviendra aux départements concernés. L'eau dans la balance La même loi de finance a également réévalué les amendes pour non-respect du cahier des charges (qui n'avaient pas bougé d'un iota depuis 1919 !) et introduit un « droit d'entrée » autorisant le nouveau concessionnaire à reprendre les installations non amorties de son prédécesseur. C'était également une des propositions du rapport Leteurtrois, qui préconisait, en parallèle, de « doter le budget de l'État des moyens nécessaires au rachat de concessions non échues [pour] accélérer la constitution de chaînes d'aménagements stratégiques ». Jean-Pierre Leteurtrois a examiné ce point touffu dans un deuxième rapport rendu en août. Objectif : identifier les usines qui mériteraient d'être concédées d'un bloc afin d'en améliorer la performance énergétique, et déterminer le mode opératoire à employer pour ce faire. Une question d'importance, puisque le risque est réel de voir s'éparpiller entre plusieurs concessionnaires des ouvrages gérés auparavant de façon cordonnée par EDF. À titre d'exemple, la chaîne de la Durance permet d'obtenir près de 2 000 MW (l'équivalent de deux tranches nucléaires) en moins de quinze minutes. Il serait dommage que des renouvellements non coordonnés se traduisent par une perte de production... D'autant que le potentiel de l'hydraulique hexagonal est exploité presque en totalité (80 à 90 %), et reste limité par les objectifs de la directive-cadre sur l'eau. Pour 2015, l'État a tout de même fixé à l'hydraulique un objectif de 7 TWh par an. Les résultats d'une étude du potentiel par bassins devraient être prochainement dévoilés. « Tout le monde les attend avec impatience, mais ce n'est qu'en 2009, une fois les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) de chaque bassin adoptés, que l'on pourra les considérer comme définitifs », prévient Noël Godard, à la direction de l'Eau du ministère de l'Écologie. « L'intérêt des aménagements hydroélectriques est de plus en plus mis en balance avec d'autres préoccupations (retour des cours d'eau à un état plus naturel, politique de l'eau) qui ont tendance à devenir prioritaires [...], confirme le rapport Dambrine. Cela conduit à la réduction du productible des aménagements (leur potentiel de production, NDLR), voire à des demandes d'effacement de barrages (lire encadré). Les dernières évolutions législatives tendent à définir une politique plus équilibrée de gestion de la ressource aquatique. » Le rapporteur évoque ici la loi d'orientation de la politique énergétique du 13 juillet 2005 (dite Pope), qui permet notamment d'accroître de 20 % la puissance installée des centrales existantes sans enquête publique, d'équiper sans autorisation les ouvrages non destinés à la production d'énergie (un barrage de navigation par exemple) ou de simplifier les procédures pour le turbinage des débits réservés. Des aménagements dont ne manqueront pas de profiter les candidats à la reprise... Reste qu'entre des demandes de reprises plus nombreuses et à traiter plus rapidement, la nécessaire résorption des délais glissants et les différents contrôles, par exemple sur le turbinage des débits réservés, les services instructeurs risquent de vite se retrouver débordés. Alors que le rapport Leteurtrois constatait déjà la faiblesse des moyens des Drire, on peut se demander quelle marge de manoeuvre il restera à des agents qui doivent déjà digérer le rapprochement avec les Diren, et surtout la suppression annoncée de 1 200 postes au sein de l'administration du ministère d'État...


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