Quoi de plus logique pour une ferme, exploitation souvent isolée et éloignée des grands réseaux de distribution, de produire sa propre énergie ? À l'heure où cette énergie coûte de plus en plus cher, la question se pose avec acuité. En 2005, ce poste représentait 6 % des charges totales d'une exploitation agricole : environ 6 600 euros. Cette année, on peut facilement compter 30 % de plus. « Certains secteurs sont carrément en crise, comme les serristes, dont l'énergie pèse entre 25 et 30 % des charges », ajoute Jean-Luc Bochu, chez Solagro, association spécialiste des questions agricoles et énergétiques.
Il y a un an, le Grenelle de l'environnement formulait donc une proposition simple : monter un « plan d'amélioration de l'efficacité énergétique des exploitations agricoles ». Le comité opérationnel n° 15, celui de l'ancien président des Jeunes Agriculteurs, Bernard Layre, sur « l'agriculture écologique et productive », l'a repris à son compte et assorti d'un objectif ambitieux : rendre 30 % des exploitations autonomes en 2013, tout du moins « à faible dépendance énergétique ». Le 9 juin, le ministre de l'Agriculture, Michel Barnier, a pris le relais et monté deux groupes de travail qui devaient rendre leur copie fin octobre, l'un sur les économies d'énergie, l'autre sur les renouvelables.
La première étape de ce plan est connue : il s'agit d'effectuer 100 000 diagnostics en cinq ans, soit « 250 par département et par an », traduit Bernard Layre. Un préalable ambitieux, mais indispensable, avant toute action. Sont ensuite évoqués 300 méthaniseurs en bâtiments d'élevage, 300 chaufferies au bois, 30 pompes à chaleur, 120 000 m² de panneaux solaires thermiques, 290 séchoirs solaires. Le recours aux certificats d'économie d'énergie, qui prévoient trois « opérations standardisées » dans l'agriculture, sera aussi encouragé. Le photovoltaïque en toiture est également évoqué, à l'image du domaine viticole de Nestuby (83) qui s'est décidé pour 800 m² (146 000 kWh/an). La première mesure sur la méthanisation revêt un caractère symbolique : la France, qui ne compte que six unités, a tout à faire dans ce domaine, même si une polémique subsiste sur la pertinence d'ajouter dans le déchet à méthaniser des cultures énergétiques. Alain Guillaume, éleveur de porcs dans les Côtes-d'Armor, a franchi le pas : il vient d'installer un digesteur de lisier alimentant une centrale de 130 kW électriques. « On marche sur la tête : on importe massivement de l'azote minéral alors qu'on détruit tout aussi massivement de l'azote organique ! » philosophe l'éleveur, qui n'a connu qu'un os : le raccordement au réseau EDF. Alain Guillaume autoconsomme aujourd'hui 65 % de sa production d'énergie pour chauffer le digesteur, le bâtiment d'élevage et sa maison. Il estime son économie entre 20 000 et 25 000 litres de fioul par an.