Il y aura un avant et un après-Fukushima. Nombreux sont les gouvernements qui ont déjà, par opportunisme ou réelle inquiétude, suspendu ou remis en question leur programme nucléaire. Mais, en France, la catastrophe japonaise aura forcément un impact particulier du fait, d'une part, de son engagement nucléaire sans égal dans le monde et, d'autre part, des hasards du calendrier. Le nucléaire en France, ce n'est pas seulement 58 réacteurs, c'est aussi une filière industrielle qui emploie 200 000 personnes. Et qui, à toute époque, a toujours pu s'appuyer sur un VRP de luxe, le président de la République, pour vendre la technologie française à travers le monde. Décidée dans les années 1960, cette stratégie, justifiée alors et toujours par l'indépendance énergétique, n'a jamais fait l'objet d'un quelconque débat.
L'accident de Fukushima se produit aussi dans un contexte français particulier. Le Grenelle de l'environnement a certes exclu le nucléaire, mais il a mis en marche une nouvelle forme de gouvernance. Il a rebattu les cartes et donné reconnaissance et visibilité aux associations. Les lois Grenelle ont affirmé la responsabilité essentielle des collectivités territoriales sur l'environnement, notamment en matière d'énergie et de climat. Fortes de cette légitimité, les Régions, qui financent largement le développement des énergies renouvelables, n'hésitent pas à monter au créneau, comme très récemment sur les huiles et gaz de schiste, pour dénoncer des décisions prises à Paris sans concertation. Tout comme elles ont manifesté leur opposition à la remise en question du soutien au photovoltaïque. Le Grenelle a stimulé le débat et la concertation qui ne pourront pas, selon la thématique et le moment, du fait du prince, être salués ou balayés d'une décision technocratique.
Enfin, la France est déjà en période préélectorale. Et si, en 2007, l'écologie avait déjà, grâce à Nicolas Hulot, occupé la scène, en 2012, l'énergie et la place du nucléaire seront forcément des sujets de campagne. Parions que contrairement aux candidats Royal et Sarkozy de 2007 qui avaient rivalisé d'incompétence sur le sujet, ceux de 2012 auront cette fois bien révisé leurs dossiers.