Total fait coup double. Il y a trois jours, le pétrolier français présentait sa nouvelle stratégie, baptisée « One Total ». Il affichait ses ambitions dans « l'énergie responsable ». Dans la foulée, il annonce ce 22 avril intégrer l'initiative Terrawatt. Cette initiative réunit des acteurs privés de l'énergie solaire. Elle a été lancée par Gérard Mestrallet, PDG d'Engie, fin 2015 à l'occasion de la COP21. L’objectif est d'installer plus d'un térawatt de puissance photovoltaïque d’ici à 2030. « Nous sommes convaincus que le solaire est l'une des solutions pour répondre à une demande en électricité croissante, notamment en Afrique, ainsi que pour lutter contre le changement climatique », justifie par communiqué Patrick Pouyanné, le PDG de Total.Opportunisme ou réelle anticipation ? Total a bien présenté une nouvelle organisation. Mais le nom du dirigeant de sa future branche « Gas renewables & power » n’a pas été annoncé. Cette division accueillera les activités du groupe dans le solaire. Les ressources financières de la nouvelle branche n'ont pas non plus été précisées. Total affirme pourtant vouloir se hisser d’ici à 20 ans dans le top 3 de l’énergie solaire, de la fabrication de panneau à la production d’électricité. Et se développer dans le stockage d’énergie.3% du budgetOr, ces métiers demandent des investissements conséquents, bien au-delà des 500 millions de dollars annuels promis fin 2015 par Total dans le solaire et les biocarburants. A l’échelle de la major, cette somme reste symbolique : elle représente moins de 3% du budget annuel d’investissements planifiés par le groupe entre 2017 et 2019. De même, Total se dit prêt à concentrer ses investissements pétroliers dans les projets les moins coûteux, limitant ainsi de fait le recours à l’offshore ultra-profond. Mais cette annonce ne répond-elle pas d'abord à l’équation financière imposée par la faiblesse des cours du pétrole ? Qu’en sera-t-il si les prix remontent vers des niveaux plus rentables ?Patrick Pouyanné, le PDG de Total, le reconnait lui-même : la stratégie One Total vise aussi à répondre aux exigences de plus en plus pressantes des investisseurs. De grands gérants d’actifs américains, des fonds souverains comme le norvégien NBIM ou des sociétés françaises comme PhiTrust n’hésitent plus à demander des comptes aux groupes pétroliers sur leur politique de gestion des risques environnementaux et climatiques. Or, compte tenu de leurs besoins d’investissements, l’accès aux marchés financiers est crucial pour les pétroliers. En promettant plus de vertu, Total peut prendre l’avantage par rapport à ses concurrents européens BP et Royal Dutch Shell, qui ont considérablement réduit ces dernières années leurs activités dans les énergies renouvelables. Les prochains mois diront si, oui ou non, cette stratégie marque le début d'une profonde transformation du pétrolier français.Thomas Blosseville et Julien Dupain