Et quinze ans de plus pour Sirac. La filiale du groupe Suez a été retenue par le Syndicat pour la valorisation et l’élimination des déchets de l’agglomération caennaise (Syvedac) pour exploiter en feu continu l’unité d’incinération de Colombelles sur la période 2016-2030… Travail qu’elle assure depuis la construction de l’installation en 1972. Simple formalité ? Sans doute pas. Car cette fois-ci, l’entreprise a dû s’engager sur des coefficients de performance énergétique pour convaincre. Et donc programmer des investissements conséquents.L’installation compte deux lignes qui traitent 7 tonnes de déchets à l’heure. Chacune alimente une chaudière de 16 MW avec des fumées à 1000 °C qui transmettent l’essentiel de leurs thermies à un réseau d’eau surchauffée à 190 °C (à 24 bars). Connecté à des établissements publics, à un cinéma, à des logements, ce réseau couvre 95 % de leurs besoins… Mais, compte tenu de la saisonnalité de la demande, « on ne valorisait que la moitié de notre production énergétique évaluée à 250 000 MWh », reconnaît Antoine Girardet, directeur du site.Faute de débouché industriel, Sirac s’est tournée vers le réseau électrique. La chaleur à l’état liquide ne peut être exploitée pour produire directement de l'électricité (l'entraînement d'une turbine nécessitant de la vapeur), mais le nouveau contrat prévoit la mise en place d’ici la fin 2016 d’une machine à cycle organique de Rankine (ORC) du fabricant français Enertime. Cette technologie permet la transfert de la chaleur à un fluide organique à basse pression, qui sera détendu dans une turbine alimentant un générateur pour produire en moyenne 9 100 MWh d’électricité par an (dont une bonne partie sera autoconsommée). Pour cela, 5,3 millions d’euros seront investis sur la durée du marché (investissement et exploitation). Le dispositif affiche une certaine souplesse puisqu’il ne fonctionnera pas quand la demande de chaleur sera forte, mais démarrera (en trente minutes) dès que la chaleur disponible deviendra suffisante. Objectif : passer de 47 à 63 % de chaleur valorisée.Ce taux pourrait être porté à 76 % entre 2018 et 2020 grâce à une autre évolution, en l’occurrence la mise en place de serres maraîchères à proximité du site. Car même avec la cogénération, il reste de l’énergie dissipée, notamment à la mi-saison. Une convention a d’ores et déjà été signée avec un serriste… Sachant que le nouveau réseau utilisera une partie de l’eau surchauffée, mais aussi les calories non valorisées par le système ORC.En sortie d’équipement, l’eau à 45 degrés circulera à haut débit dans un échangeur thermique basse température, de grande taille. « Ce type d’équipements est en plein développement », souligne Antoine Girardet. Les fabricants travaillent en particulier sur leur design et sur les matériaux utilisés pour réduire les niveaux de pincement, c'est-à-dire les pertes de température entre deux fluides calorifiques qui échangent leurs thermies.À terme, Sirac pourrait aller encore plus loin. « Nous travaillons sur un projet de séchage de luzerne pour valoriser le solde d’énergie disponible sur la période avril-septembre car nous savons que le besoin colle à l’offre de chaleur résiduelle », confie Antoine Girardet. 98 % du gisement pourrait alors être valorisé… À condition bien sûr que la filière agricole choisisse de développer la culture de luzerne. Si la modernisation des unités de valorisation énergétique exige des innovations techniques, elle passe aussi par un travail en partenariat avec les collectivités, le monde de l’industrie et même les chambres agricoles. Et donc par un fort ancrage local.Olivier Descamps