« Elle vient d'où, l'eau qui coule au robinet ? Je peux la boire ? C'est grave si elle sent comme l'eau de la piscine... ? » A chacune de ses interventions, Aïcha Belal entend les mêmes questions. Animatrice pédagogique au sein des Eaux du Nord, elle intervient dans les écoles de la métropole lilloise sur la thématique de l'eau. « Le plus difficile, c'est d'adapter son discours à l'âge des enfants : entre un CE1 et un CM2, les différences sont énormes. Il faut donc trouver les mots justes pour transformer un savoir-faire et des connaissances techniques en acquis pédagogiques... tout en restant ludiques ». Des interventions faites à la demande des directeurs d'établissements, et encouragées par l'Inspection académique. « Les enfants adorent ces interventions extérieures, très concrètes, et donc intéressantes. De plus, cela participe à l'ouverture de l'école vers le monde extérieur », explique Pascale Duval, directrice de l'éco-école Rameau, à Villeneuve d'Ascq. Présentation des cycles naturel et domestique de l'eau, initiation aux éco-gestes et informations sur les métiers du secteur sont au coeur de ses interventions devant les élèves des cycles II et III. « L'eau est au programme de ces classes. Et les enseignants sont en quête d'informations précises et fiables pour illustrer leurs cours. C'est ce qui nous a poussés à mettre en place des petits modules de sensibilisation, à la fois pragmatiques et ludiques, qui permettent de répondre de manière très concrète aux questions des enfants. » Des modules qui s'accompagnent de supports de communication spécifiques : un guide pédagogique pour les enseignants, des affiches reposant essentiellement sur l'illustration, des réglettes représentant les cycles de l'eau et les éco-gestes distribués aux enfants... « Des supports purement informatifs, qui visent surtout à rassurer les enfants - mais aussi les adultes, via les enseignants et les parents - sur la qualité de l'eau du robinet. Sur notre secteur géographique, seuls 42 % des gens disent boire régulièrement l'eau du robinet. Pire : la plupart des enfants sont sous-hydratés, car ils ne boivent pas assez au petit-déjeuner et tout au long de la journée. Ce pour une raison toute simple : le manque de confiance en cette eau qui est pourtant l'aliment le plus encadré et le plus contrôlé de tous, et que l'on peut donc absorber en toute sécurité. Mais rares sont les personnes qui le savent : à nous donc de diffuser l'information ! » « Maurice, tu pousses le bouchon... » Contrairement à d'autres entreprises, Eaux Du Nord n'a rien à vendre directement aux enfants, mais des informations à faire passer et un savoir-faire technique à présenter. Plus facile dès lors de pouvoir intervenir directement dans les classes - car le ministère de l'Éducation nationale veille au grain et interdit les informations trop axées « marketing/commercial ». Logique quand on sait que les enfants constituent une cible privilégiée pour les professionnels de la communication : les jeunes constituent de redoutables prescripteurs. Communiquer en direction des enfants pour impacter les parents : voilà une « astuce » utilisée depuis bien longtemps par les publicitaires. On a tous en tête Maurice le poisson rouge (celui qui « pousse le bouchon un peu loin » en mangeant en douce les yaourts au chocolat du frigo), Sophie Senoble (qui toute petite, déjà, prenait plaisir à se glisser dans les cuisines pour imaginer de nouvelles recettes), ou plus récemment little Dark Vador et son face-à-face avec un véhicule qui obéit à ses ordres. Le public adore... et les agences de publicité en raffolent. Veille permanente et écriture spécifique Mais communiquer en direction des jeunes n'est pas simple, comme l'explique Shirley Curtat-Cadet, fondatrice de Com' des enfants, un cabinet conseil créé à Roubaix en 2008, qui conseille et accompagne les marques soucieuses de communiquer auprès des enfants. « La plupart du temps, les annonceurs produisent des documents superbes, mais qui ne sont malheureusement pas adaptés aux enfants. Pour bien communiquer en direction des jeunes, il faut d'abord bien les connaître. Cela nécessite un travail de veille permanent, car ce sont des cibles qui évoluent énormément. Leurs codes, leurs comportements, leurs langages et leurs centres d'intérêt ont beaucoup changé ces dernières années... et ce n'est pas prêt de s'arrêter. De plus, pour être pertinents, les supports de communication édités en direction des jeunes nécessitent un gros travail d'écriture. » Car pour être compris des enfants, des ados ou des jeunes adultes, il faut adopter leur langage. Une évidence longtemps négligée. « Heureusement, aujourd'hui, les pratiques changent. Les annonceurs ne cherchent plus forcément à faire de la quantité, mais optent de plus en plus pour la qualité », souligne Shirley. « Tout comme ils n'hésitent plus à se détourner des mass media, leur préférant des supports dédiés à des publics ciblés. » Conséquence directe de la fracture numérique qui s'est produite au cours de dix dernières années. « Hier, on touchait les jeunes à travers leurs PC ; aujourd'hui, via leurs smart phones, et demain, ce sera par leurs tablettes tactiles... » La communication vers les jeunes est donc comme sa cible : elle grandit en permanence.