Tout existe déjà en Alsace et en Lorraine pour faire vivre un pôle de l'eau. Encore fallait-il se fédérer. L'appel à projets gouvernemental pour la constitution de nouveaux pôles de compétitivité à dimension mondiale centrés sur les écotechnologies en a donné l'occasion. Présenté mi-septembre à Épinal au terme de dix-huit mois de gestation, le dossier commun aux deux régions a été déposé le 2 octobre. Elles réfutent l'idée d'une « candidature de circonstance, dont le positionnement aurait été pensé pour se différencier des autres », en l'occurrence du Grand Sud (Languedoc-Roussillon, Paca et Midi-Pyrénées) et de la Région Centre. L'État rendra son verdict en fin d'année.
UNE THÉMATIQUE NATURELLE
Le balayage des compétences existantes en Alsace-Lorraine a débouché sur l'identification d'une thématique « naturelle » : la qualité des eaux. C'est elle qui forme le dénominateur commun aux 290 entreprises employant quelque 30 000 salariés, aux 2 500 chercheurs publics et privés et aux 4 000 étudiants - dont ceux de l'Engees - dans le domaine de l'eau, de part et d'autre du massif vosgien. « Nous concentrons le tiers du potentiel français en sécurité sanitaire de l'eau. Nous affichons aussi des compétences internationalement reconnues en connaissance des pollutions, connaissance et gestion des milieux, mesure en continu de paramètres de la qualité, dont le biofilm et les métaux », énonce François Schricke, qui pilote le dossier au sein du conseil général des Vosges. Trois thèmes majeurs émergent dans le dossier de candidature : la maîtrise des polluants, avec une priorité accordée aux résidus médicamenteux et vétérinaires ; les réseaux et transports ; la relation eaux/écosystèmes, qui renvoie notamment aux zones humides et à la gestion des bassins versants. La dénomination officielle du pôle - « qualité des eaux continentales, santé des populations et des écosystèmes » - est certes longue, mais elle permet de faire référence à l'ensemble du cycle de l'eau.
Outre le tissu industriel riche de Nestlé Waters, Saint-Gobain PAM, des majors de l'eau et de toute une série de PME, François Schricke voit un atout dans le fait que « le fonctionnement en réseau existe déjà ». On songe ici aux écoentreprises d'Alsace ou à la Zone atelier du bassin de la Moselle, autour de dix-huit laboratoires, ainsi qu'à l'implication de nombreuses structures dans l'Astee. Quant à la dimension interrégionale, elle s'est imposée d'emblée compte tenu de la continuité naturelle des bassins et des pratiques collectives existantes. L'agence de l'eau Rhin-Meuse la symbolise.
Le consensus des industriels et des chercheurs sur l'intérêt du projet s'est confirmé dans la succession de témoignages à Épinal. « Nous sommes prêts à apporter notre expertise technique comme notre savoir-faire dans l'accès aux marchés internationaux », a ainsi déclaré Urs Endress, PDG d'Endress+Hauser France. Veolia Environnement souligne pour sa part l'enjeu plus large de la « promotion de la fameuse école française de l'eau à l'étranger ». Pour Suez Environnement, Daniel Villessot se félicite du focus sur la maîtrise des polluants, « car nous souhaitons depuis longtemps développer une thématique eau et santé, pour laquelle la recherche privée ne suffit pas ». Saur voit le moyen de développer l'activité eau des PME « trop absentes des marchés du matériel pour l'épuration ou l'eau potable ». Et Nestlé Waters souligne avoir « déjà expérimenté l'intérêt des collaborations en partenariat », de par le système de préservation de ses sources de Vittel et Contrex avec l'Inra.
COMPLÉMENTARITÉ AVEC MONTPELLIER
Reste à savoir ce que décidera l'État. Parmi les dossiers, celui du Grand Sud (Montpellier et Languedoc-Roussillon) paraît le plus sérieux (voir Hydroplus n° 187, p. 12). Et complémentaire : « Nous travaillons sur la qualité de la ressource, eux sur sa quantité », fait valoir François Schricke. De fait, les travaux méridionaux se focalisent sur la disponibilité restreinte induite par les changements climatiques et démographiques ou les aquifères complexes. Les deux candidats dialoguent déjà et on peut penser que si seul l'un des deux était retenu, il associerait l'autre à son développement, indépendamment de l'éloignement géographique.