Et si le stockage du CO2 dans les déchets de l'industrie minière pouvait compenser une partie de ses émissions ? C'est l'objet du projet de recherche Carboscories qui s'est achevé début mars 2016. En ligne de mire : la valorisation des trois millions de tonnes de scories, issues chaque année de la production de nickel, en Nouvelle-Calédonie.
Financé par le CNRT « Nickel et son environnement », le projet a démontré la capacité des scories à absorber du CO2 sous forme minéralisée par réaction chimique. Les recherches en laboratoire, menées en partenariat entre le Laboratoire de Génie Chimique de Toulouse, l'Université Pierre et Marie Curie, et le BRGM ont permis d'obtenir « des taux de carbonatation de 51 % et 71 % selon la minéralogie des scories, affirme Solène Touzet, ingénieure procédé au BRGM. Pour stocker 1 tonne de CO2, il faudrait de 2,3 à 3,1 tonnes de scories, si l'on extrapole les résultats issus des échantillons de 50 g de matière ».
Le traitement consiste à placer dans un réacteur le matériau préalablement broyé. Maintenu dans l'eau, il est mis au contact de CO2 dissous. Les conditions sont optimales pour du CO2 injecté sous une pression de 20 bar, à une température de 180°C. Puis la réaction qui est exothermique s'entretient elle-même. La dissolution partielle des scories aboutit à la formation de particules de carbonate de magnésium. Un type de matériau utilisé pour le ciment. De quoi susciter l'espoir d'une « intégration dans la filière de la construction ».
Ces résultats ont incité les laboratoires à déposer une demande de financement auprès de l' Agence Nationale de la Recherche (ANR) pour lancer un nouveau projet. La décision est attendue à la fin de l'été. Objectif : installer une unité pilote, en vue d'un usage industriel sur les sites de production de nickel. « En laboratoire, les études étaient menées en batch. Avec ce pilote, nous pourrions explorer les paramètres optimums en mode continu, avec un débit de l'ordre du kilogramme de matière par heure », poursuit Solène Touzet. Reste aussi à établir si le procédé est compatible avec un captage du CO2 à la source des rejets industriels. Le gaz y est en effet dilué, mélangé avec des impuretés.
Ces travaux répondent à un impératif climatique pour la Nouvelle-Calédonie. Car le territoire émettra bientôt autant de carbone dans l'atmosphère, rapporté au nombre d'habitants, que le Qatar ou le Koweit, en raison du fort développement de l'industrie du nickel.
Mickaël Charpentier