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ÉNERGIE

Tribune | « Sobriété énergétique : en finir avec le court terme »

PUBLIÉ LE 17 OCTOBRE 2022
NICOLAS MOULIN, PRÉSIDENT DE PRIMESENERGIE.FR
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Tribune | « Sobriété énergétique : en finir avec le court terme »
Nicolas Moulin, Président de PrimesEnergie.fr. Crédit : PrimesEnergie
Des phénomènes météorologiques extrêmes enregistrés cet été et des risques de pénurie d’énergie cet hiver… Jamais l’urgence de réduire notre consommation d’énergie n’a semblé aussi justifiée et prégnante. Pour Nicolas Moulin, président de PrimesEnergie.fr, « les instances dirigeantes doivent dicter des politiques ambitieuses en phase avec les enjeux du moment. »

La profondeur de la crise protéiforme doit nous épargner les grandes déclarations non suivies d’effets, les mesures ponctuelles, les montagnes qui accouchent de souris, le temps de la procrastination doit se terminer, voilà ce que de nombreux Français sensibles aux enjeux climatiques espèrent. La tension sur notre système énergétique couplée aux constats plus qu’alarmants du GIEC en matière de climat doivent dicter un changement radical de nos comportements qui dépasse et de loin la simple réduction de 10% de nos consommations d’énergie. Mais comment faire ?

Momentum

Sécheresse, canicules, records de chaleurs… Les évènements climatiques de l’été et même de ce mois de septembre, après les records de chaleur, les inondations et autres mégafeux aux 4 coins du globe semblent enfin parvenir à convaincre une part des climatosceptiques. Un sondage BVA nous apprend ainsi qu’1 Français sur 5 (21%) affirme avoir pris conscience cet été des enjeux climatiques (qui viennent s’ajouter aux 66% qui en étaient déjà conscients). Ainsi nous serions 87% à enfin prendre la mesure de la situation qui, rappelons-le, est qualifiée de menace existentielle pour l’humanité par l’ONU et provoque déjà une érosion massive de la biodiversité appelée 6ème grande phase d’extinction par les experts. Alors, la prise de conscience est-elle réelle et suffisante pour nous pousser à prendre – enfin – les bonnes décisions ?

Quoi qu’il en soit, il devient impossible aujourd’hui d’ignorer les conséquences du dérèglement climatique, même pour les politiques les plus éloignés du sujet, qui suivent au moins les mouvements de l’opinion. L’objectif de l’Accord de Paris de maintenir l’augmentation moyenne des températures en-dessous de 2 degrés semble totalement inatteignable en l’état. Les scientifiques appellent le monde à se préparer au pire. Comment ne pas prendre en compte leurs multiples cris d’alerte ? Surtout que ces appels ont… plus de 30 ans, si l’on se réfère au 1er rapport du GIEC, voire 50 si l’on parle du rapport Meadows du Club de Rome…

La guerre en Ukraine ne fait qu’accélérer des phénomènes préexistants. La réduction de notre consommation collective d’énergie, jusqu’ici perçue comme un objectif de moyen-long terme est devenue une nécessité de court terme. Les approvisionnements en gaz manquent déjà, ceux en électricité ne vont pas se multiplier miraculeusement au regard du temps nécessaire pour construire une centrale nucléaire, aussi miniature soit-elle, ou pour couvrir tous les bâtiments de France éligibles en panneaux photovoltaïques. Pourtant il faut avancer et vite. Quand on observe les conséquences d’un déficit uniquement sur le gaz, on peut imaginer le pire en pensant à la fin des énergies fossiles qui finiront bien par s’épuiser dans un monde toujours plus consommateur. Mais oui, le plan de sobriété énergétique qu’évoque le gouvernement est nécessaire pour tenter d’éviter des pénuries en cas d’hiver froid.  Il s’agit toutefois d’une solution de court terme tandis que les portefeuilles des ménages risquent de singulièrement s’alléger avec des factures d’énergie qui vont indéniablement grimper en 2023 et son corollaire de colères sociales imprévisibles.

Pas de retour au monde d’hier 

Nous ne pouvons plus continuer à opposer environnement et pouvoir d’achat. Il est inconscient, voire malhonnête, d’instrumentaliser la détresse financière de certains ménages pour justifier un manque d’ambition en matière d’écologie. Nous allons tous réduire notre consommation d’énergie. Ce n’est pas un vœu pieu, c’est une réalité : à marche forcée s’il le faut, la France devra faire baisser ses besoins. Le gouvernement devra accompagner les foyers qui en ont besoin pour mener à bien cette révolution environnementale, dans le cas contraire le pire est à prévoir.

Des secteurs stratégiques et des bras

Et nous pouvons faire des choses efficaces à condition d’avoir une vision claire de notre consommation d’énergie au niveau national et de prévoir. Responsable de 40% de l’énergie consommée en France, le secteur du bâtiment a déjà commencé sa mue. La RE 2020 apporte de nouvelles contraintes environnementales pour les constructions neuves. Dans l’ancien, jamais la rénovation énergétique n’a été autant plébiscitée. L’ère de l’incitation fait aujourd’hui place à celle de l’obligation, de l’interdiction de location des passoires thermiques à la fin des chaudières au fioul (à l’instar de la fin de la vente de voitures thermiques). 

Place à l’efficacité : les rénovations globales, combinant plusieurs postes de travaux pour améliorer la performance énergétique des logements, supplantent les mono-gestes trop improductifs. Les aides sont désormais fléchées vers les opérations les plus efficientes – comme l’isolation ou l’installation d’une pompe à chaleur – et permettent de prendre en charge jusqu’à 90% du coût total des travaux. Jamais le gouvernement n’a autant subventionné les travaux d’économie d’énergie. En complément de l’augmentation des budgets de MaPrimeRénov’, la récente hausse des quotas des certificats d’économie d’énergie – et la hausse des primes énergie qui en découle – est un vrai pas en avant, reste aujourd’hui à accompagner les ménages les plus modestes pour financer le reste à charge. Reste aussi à trouver les bras…

C’est aussi le temps des matériaux respectueux de l’environnement, comme le bois, avec toute une filière à reconstruire. Les matériaux biosourcés aussi qui ont une autre vertu fondamentale, ils sont produits localement et peuvent éviter ainsi l’émission de millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère par le transport de matériaux. Le transport, cet autre grand consommateur d’énergie. Utiliser des matériaux vertueux produits localement et éviter ainsi des milliards de kilomètres de transport c’est créer un cercle profondément vertueux. Mais il faudra des bras et de la formation pour créer des filières solides, il faudra des bras. 

Autant d’activités qui peuvent se développer localement, de très nombreux emplois possibles alors qu’il manque déjà de nombreux professionnels qualifiés comme les menuisiers ou les couvreurs. La pénurie de main d’œuvre s’avérant être déjà un vrai frein à l’heure où les artisans débordent de commandes. La question de la formation professionnelle est fondamentale, on ne fera pas la transition énergétique sans les menuisiers, diagnostiqueurs, ingénieurs, maçons spécialisés… 

Du scénario catastrophe à une prise de conscience salvatrice ?

Bien sûr les efforts individuels ne suffiront pas. Face à l’ampleur de la crise climatique et énergétique, il serait insensé de suggérer que la seule volonté des citoyens permettrait d’enrayer un phénomène si énorme. Oui, un changement de nos modes de vie est nécessaire. Oui, il devient impératif de réduire notre consommation de viande rouge, d’éviter les modes de transport polluants, de privilégier l’économie circulaire. Oui, la meilleure énergie est définitivement celle que l’on ne consomme pas, et il sera toujours préférable de mettre un pull que d’augmenter le chauffage. Mais nous ne pouvons pas faire reposer la responsabilité de nos émissions de CO2 sur les seules épaules des individus. Les entreprises et les industries doivent faire leur part. Surtout, les instances dirigeantes doivent dicter des politiques ambitieuses en phase avec les enjeux du moment. 

Au-delà de la nécessaire baisse de nos besoins, en cette période incertaine il faut aussi assurer notre souveraineté énergétique. Pour verdir notre électricité et assurer une production suffisante, les énergies renouvelables sont indispensables, encore plus quand des réacteurs nucléaires sont contraints d’être à l’arrêt et qu’il faut de longues années pour en construire de nouveaux. Rappelons que 65% de notre consommation d’énergie finale provient des énergies fossiles importées. L’électricité correspond – seulement - à environ 24% de notre énergie finale consommée… Alors l’heure n’est plus aux polémiques et aux fake news mais à la science : les nouvelles centrales s’il y a lieu ne seront pas là avant 2035 et il ne serait pas responsable d’attendre, nous avons besoin du photovoltaïque, de l’éolien. Ce n’est plus une question d’alternative, c’est une question de survie.

La situation que nous vivons est foncièrement inquiétante. Le changement ne sera pas facile. Mais atteindre nos objectifs est possible, à condition que les moyens adéquats soient mobilisés. Nous avons enfin arrêté de détourner le regard face à notre maison qui brûle ; l’enjeu à présent est de ne pas rester statiques face à l’incendie.
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