Certaines fonctionnalités de ce site reposent sur l’usage de cookies.
Les services de mesure d'audience sont nécessaires au fonctionnement du site en permettant sa bonne administration.
ACCEPTER TOUS LES COOKIES
LES COOKIES NÉCESSAIRES SEULEMENT
CONNEXION
Valider
Mot de passe oublié ?
POLLUTIONS

Les vastes ambitions des parcs urbains

LA RÉDACTION, LE 1er JANVIER 2013
Archiver cet article
Newsletters
Toute l'information de cette rubrique est dans : Environnement Magazine
Des allées, des arbres et des bancs. Dans l'incons-cient collectif, tous les parcs se ressemblent. Ils sont pourtant uniques et façonnent l'image de la ville. Difficile d'imaginer New York sans Central Park ! Dans l'Hexagone aussi, les parcs sont des pièces maîtresses de la nature en ville. À Sceaux, dans les Hauts-de-Seine, trois d'entre eux dominent le pavé. « Le parc de Sceaux est le plus connu, mais il y a aussi ceux de la Ménagerie et de la Coulée verte, décompte fièrement Patrice Pattée, adjoint à l'ur-banisme. Sans eux, la ville ne serait pas la même. Chacun a son histoire et trouve son public en pro­ posant des usages différents. » Usage : le mot-clé est lâché. À la différence des jardins, plus fleuris mais plus ramassés, les parcs urbains sont suffisam-ment grands, entre 2 et 20 hectares en moyenne, pour concentrer une multitude d'usages. Supports d'activités récréatives et de détente, ils abritent des restaurants (de préférence chics, avec vue sur lac), des équipements sportifs de type piscine (c'est le cas à Sceaux) ou tennis (dans le parc de Gerland, à Lyon) et des lieux consacrés à l'événementiel ou la découverte. Plus ou moins discrète, cette propension à inclure le maximum d'usages atteint son apogée dans le parc de La Villette (Paris), suréquipé tout en restant généreux en pelouses extérieures. « Plus que des espaces verts, les parcs urbains sont des équipe­ ments publics à part entière et à ciel ouvert. Ils ont une fonction sociale, de mixité intergénérationnelle et doivent donc profiter à un maximum de monde », estime Jean-Pierre Gyejacquot, directeur général adjoint des services de la ville de Troyes, chargé du cadre de vie et du développement durable. Dans cette ville, un parc de 20 ha vient d'être ouvert en plein centre. En partie boisé, il a nécessité un lourd travail d'acquisition foncière. Ses attributs étant multiples – une partie est réservée au maraîchage et aux jardins familiaux, l'autre aux parcours pour scolaires –, ce parc a été pensé dans une logique très transversale. « On a impliqué un maximum d'élus, d'habitants et de spécialistes de tous bords, dont ceux de l'ONF ou du Muséum d'histoire naturelle de la ville pour le volet sur la végétation. » Tant de monde pour un simple parc, est-ce bien raisonnable ? La réponse est oui, car ils sont en fait complexes et coûteux à aménager, entre 20 et 100 euros le mètre carré en moyenne. De plus, ils pèsent lourd dans les urnes. Promesse électorale oblige, des dizaines de parcs sont attendus d'ici les municipales de 2014. Deux exemples, pris sous deux tropiques opposés : l'un de 2 ha au cœur d'un quar-tier Anru, à Saint-Pierre (La Réunion), et l'autre de 12 ha en cours d'aménagement dans l'écoquartier des Docks, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Point commun : ils germeront tous deux sur d'anciennes friches urbaines ou industrielles. À cela rien d'ex-ceptionnel : depuis plusieurs années, c'est là une ten-dance lourde. Qui vient précisément d'outre-Rhin, de la Ruhr, une région postindustrielle où, dans les années 1990, la reconversion de friches polluées en de vastes parcs offerts à la promenade a marqué les esprits. « Depuis, les paysagistes se sont fait une raison, observe Jean-Baptiste Lestra, paysagiste à l'agence Itinéraire bis. L'époque des grandes parcelles saines, homogènes et à aménager en plein centre, à l'image de ce que fut le parc Monceau à Paris, est, à quelques exceptions près, révolue. Nous intervenons désormais sur des délaissés, des in ters tices, d'an­ ciennes emprises industrielles qui se li bèrent poche par poche, au gré des programmes d'extension ou de renouvellement urbain. D'où l'aspect dispersé, ramifié, de certains parcs et le fait aussi qu'ils soient livrés tranche par tranche. » Ajouté à cela le casse-tête que représente leur dépol-lution préalable donne une idée de la complexité des projets. « Créer un parc de 10 ha sur un ancien site ayant accueilli des industries du textile, du gaz et de la brasserie est un parcours semé d'obstacles », confirme Maude Caron, paysagiste chez Empreinte. Cette agence vient de remporter la maîtrise d'œuvre du parc de l'Union, dont les travaux débuteront à la fin de l'année. À terme, il sera la pièce maîtresse de l'écoquartier du même nom, situé à cheval sur les villes de Roubaix et de Tourcoing. « Le lieu est resté vingt ans en friche, c'est un no man's land », décrit-elle. Malgré tout, les habitants de ce coin de ville populaire y sont attachés. « Ils ont de fortes attentes et craignent qu'on en fasse un ghetto de luxe, un parc qui ne leur serait pas destiné. » En amont, le dialogue avec les élus a pris du temps. Faut-il éclairer le parc la nuit ? Quels seront ses accès ? Un skate parc est-il utile en plus des aires de jeux clas siques ? Et si la faune revient, qui la gérera ? Les interrogations sont légion et la diplomatie de rigueur pour dépasser les visions sectorielles, cloisonnées, parfois contradictoires. Une certitude : les terres polluées du site seront triées, dépolluées autant que possible sur place, puis réétalées avant d'être recou-vertes d'une couche saine ou réutilisées pour créer un belvédère surplombant le parc. Pour ce faire, l'agence Empreinte s'est entourée d'une flopée d'ex-perts. Aux côtés des traditionnels bureaux d'études apparaissent de nouveaux profils. L'heure est à la pluridisciplinarité : « Nous faisons appel à des sociologues pour rencontrer les riverains et à un collectif artistique, les Saprophytes, pour les aider à s'approprier le parc et, ce, dès sa mise en chantier », illustre Maude Caron. Ailleurs, des écologues tirent leur épingle du jeu. C'est le cas du bien nommé Dominique Feuillas, qui intervient auprès des paysagistes de l'agence HYL : « Il est de plus en plus courant que l'on fasse appel à nous. Face à une friche à transformer en parc, nous partons toujours de l'existant pour recréer des milieux à la dynamique naturelle, en conservant ce qui est conservable et en compensant les ruptures d'équi­ libre qu'induit forcément tout aménagement par des actions de restauration ciblées. » Systématiquement, il commence par un inventaire botanique du site. « J'accompagne ensuite les paysagistes dans leur travail de recensement des usages passés, présents et futurs du site. » Sur le versant du passé, les surprises ne manquent généralement pas. Avant d'être transformé en un joli parc classé Natura 2000, celui de Jean-Moulin-les Guilands, à Montreuil (93), fut tour à tour une carrière de gypse et un terrain de moto-cross ! « Bien équipé tout en restant très naturel, il concilie au mieux intensité d'usage et respect du site. Très pra tiqué, visité par plus d'un million de personnes par an, c'est l'une de mes plus belles réalisations », se targue son concepteur, Michel Péna, une référence parmi les paysagistes (lire encadré p. 24). Travailler sur la mémoire du site fait l'intérêt de ce métier à part, au croisement de l'art, de l'architecture et de l'urbanisme. Révéler cet héritage se concrétise de diverses façons, en conservant par exemple un bâtiment de caractère (des moulins dans le parc évoqué à Troyes) ou bien juste des traces : des rails au sol qui rappellent que le parc fut auparavant une emprise ferroviaire dans celui des Batignolles, à Paris, des vestiges et des pierres pour resituer la relation d'une ville à l'Antiquité dans le parc du 26e Centenaire, à Mar-seille… « Nous n'exploitons pas ces traces du passé par nostalgie, mais pour donner une couleur au projet », tranche Franck Poirier, cofondateur de l'agence Base, l'une des plus en pointe du moment. Aujourd'hui, tout raser n'a guère de sens et coûte de toute façon trop cher. Il faut donc faire avec l'existant en restant in ventif et trouver le bon cur­ seur entre l'intervention et l'intouché. » La palette d'actions possibles est large. « Nous privilégions notamment la reconquête végétale, poursuit-il. En plein Lyon, dans l'ancienne caserne militaire de Blandan, où nous allons créer d'ici à 2016 un parc de 17 hectares, nous aurons des boisements, des jardins suspendus, des terrains de sports et nous ferons aussi pousser des plantes dans les percées d'une immense dalle de béton pour voir ce que cela donne. » Dans ces parcs où la nature est artificia-lisée, le génie écologique trouve sa place. « Dans certains, une portion est rendue inaccessible et devient alors un fabuleux terrain d'expérimenta­ tion », atteste l'écologue Dominique Feuillas. L'essentiel est d'imaginer, quel que soit le parc, ce qu'il sera dans dix, trente ou cinquante ans. Or, conjuguer ce type d'aménagement au futur n'est guère évident. Cela oblige à anticiper les mille et une manières dont les habitants s'approprieront les lieux. « Marcher, promener son chien, pique-niquer, s'allonger pour une sieste à l'ombre ou au soleil pour de la bronzette. Ces usages-là sont le b.a.ba, mais il faut voir plus large et être atten­ tif à toutes les pratiques et formes émergentes de culture urbaine », glisse Franck Poirier. Pour les repérer, son agence prône l'immersion et l'écoute. À Rennes, elle planche sur le futur parc des prairies Saint-Martin, exceptionnel en soi puisqu'il offrira à terme 30 hectares de nature, à deux pas du centre. Pour réfléchir à son avenir, des ateliers de concer-tation avec les habitants ont été créés. « Avec la ville, nous leur donnons la possibilité d'infléchir, d'enrichir le projet, précise Franck Poirier. Nous aimons travailler ainsi, en anticipant les usages mais sans figer les choses. L'astuce consiste à garder une part d'espaces indéterminés, à laisser du mou, au lieu de tirer l'ensemble au cordeau. Nous lais­ sons la possibilité de voir les lieux changer dans la durée, cet aspect étant désormais mieux compris et apprécié des élus. » Entre élus et paysagistes, le dialogue est constant et les échanges souvent techniques. Car les parcs ont une autre et der-nière fonction cachée : ils sont souvent conçus pour réguler les eaux. À Pantin, dans le parc prévu au cœur du futur écoquartier, il s'agit des eaux s'écoulant des sur faces perméables créées par ce nouvel ensemble. À Boulogne-Billancourt, un autre cran est franchi : en plus de laisser s'infiltrer les eaux pluviales, le parc les stocke et les réutilise pour l'ar-rosage. Les eaux de crue sont aussi concernées. À Rennes, ce risque d'inondation est moteur dans l'amé na gement du parc déjà évoqué, délimité par deux cours d'eau. « La contrainte est forte car il doit servir de champ d'expansion des crues », in dique Franck Poirier. Niveler le terrain, miser sur les marais, les tourbières, roselières et autres pelouses inon dables, reconstituer au passage des lits ou des cours d'eau busés : tout l'enjeu consiste à renverser cette contrainte hydraulique en opportunité paysagère. À Chantepie, en Ille-et-Vilaine, les bassins d'orage, d'ordinaire masqués, occupent ainsi une place centrale dans le nouveau parc de 13 ha, qui vient mettre en cohérence les nouveaux quartiers de la ZAC. « Nous en faisons un lieu de promenade, même si les cheminements ne passent pas partout. Ce travail avec les paysagistes sur les circulations, les passerelles qui enjambent les bassins tampon, les sentiers réservés à tel ou tel usage, au vélo par exemple, est passionnant », s'enthousiasme son maire, Grégoire Le Blond. Traversables, les parcs relient aussi des quartiers. Jamais isolés du contexte bâti qui les entoure, ces espaces s'éloignent donc de leur définition d'origine, qui les assimile à des lieux enclos (d'où l'expression « parquer »). « À cette connexion avec les espaces publics qui les entourent s'ajoutent, dans certaines villes, une connexion des parcs, dans une logique de coulée verte et de conti­ nuité écologique. En cela, notre travail relève bien de l'urbanisme, conclut Jean-Baptiste Lestra.


PARTAGER :
À LIRE ÉGALEMENT
Difope ou les barrages antipollution
Difope ou les barrages antipollution
PFAS : des sols contaminés bien au-delà du bruit de fond autour de Lyon
PFAS : des sols contaminés bien au-delà du bruit de fond autour de Lyon
Stratégie Ecophyto 2030 : vers une réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires ?
Stratégie Ecophyto 2030 : vers une réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires ?
Les députés se mobilisent pour protéger l'eau des PFAS
Les députés se mobilisent pour protéger l'eau des PFAS
TOUS LES ARTICLES POLLUTIONS
Les plus lus
L'essentiel de l'actualité de l'environnement
Ne manquez rien de l'actualité de l'environnement !
Inscrivez-vous ou abonnez-vous pour recevoir les newsletters de votre choix dans votre boîte mail
CHOISIR MES NEWSLETTERS