Le 25 octobre, à l'auditorium du Nouveau Siècle de Lille, à l'occasion de la clôture du World Forum, Jeremy Rifkin présentait ses préconisations pour faire du Nord-Pas-de-Calais la première région au monde à concrétiser son concept de troisième révolution industrielle. La transition énergétique prônée par l'économiste américain s'appuie sur cinq piliers qui reposent eux-mêmes sur des socles. Le tout relié par des réseaux intelligents qui communiquent entre eux. Élaboré pour 350 000 euros à la demande du Conseil régional Nord-Pas-de-Calais et de la CCI Nord de France, le programme de Jeremy Rifkin mise aussi sur le modèle induit par l'économie circulaire et le réemploi optimal des rejets considérés comme de nouvelles ressources. Un volet qu'il n'abordait pas dans son livre mais qui a fait l'objet de l'un des huit groupes de travail avec lesquels ont travaillé ses équipes. Son Master Plan insiste bien sur l'enjeu de « la transformation des déchets en matières premières réutilisables et réutilisés dans la conception de nouveaux produits et autres utilisations ». Il préconise de « ne plus créer de résidus autres que ceux que les systèmes industriels et naturels sont en mesure d'absorber ». Avec à la clef des gains de productivité par les industries qui développent une bonne maîtrise de leur flux de matières premières. Ce n'est pas nouveau pour les professionnels du recyclage mais ils ont beaucoup à gagner de voir ces enjeux s'inscrire dans un plan de développement qui mobilise la plupart des forces vives d'une région. Le droit à l'expérimentation La production de biogaz par méthanisation des déchets organiques issu de l'agriculture et de la collecte des déchets ménagers ou de l'industrie agroalimentaire pourrait, à elle seule, fournir 40 % des besoins en gaz de la région d'ici à 2050. Additionné à la production d'énergie photovoltaïque, solaire et éolienne, ce gaz aiderait le Nord-Pas-de-Calais à couvrir alors 100 % de ses besoins énergétiques. La région aurait en parallèle réduit de 60 % sa consommation. Deux projets propres au recyclage ont été mis à l'honneur par Philippe Vasseur, président de la CCI Nord de France, lors de son allocution à la clôture du World Forum. L'ancien ministre de l'Agriculture a pris l'exemple de l'entreprise Ecodas et du groupement Nord Package. Spécialisée dans le traitement des déchets provenant d'activités de soins, la première envisage de valoriser les sous-produits d'abattoirs par le biais de la méthanisation. La seconde regroupe douze entreprises de la région impliquées dans la filière du papier carton. Un produit fabriqué à partir de papier recyclé, à 95 % chez ces industriels du Nord-Pas-de-Calais quand la moyenne nationale ne dépasse pas les 75 %. L'objectif de Nord Package est « d'organiser et de pérenniser la valorisation d'une source locale de matière première au profit des industries locales de la filière ». Aux dires de Philippe Vasseur, « cette valorisation en circuit court permettrait de créer plusieurs milliers d'emplois ». Ces papetiers locaux ont tout intérêt à s'inscrire dans le plan de Jeremy Rifkin. Il leur faut sécuriser leur approvisionnement, au risque sinon de disparaître. Les fabricants et les distributeurs de biens de consommation ont besoin d'emballages cartons à proximité. « Nous voulons expérimenter une nouvelle organisation du recyclage local qui privilégie le circuit court et démontrer qu'elle permettra de créer de la valeur sur place avec de nombreux emplois à la clé », indique Marc Serieys, directeur de Nord Package. Mais cette réorganisation ne peut se faire en l'état. Elle irait à l'encontre de la législation ayant trait au droit à la concurrence. D'où l'intérêt de s'inscrire dans le projet de troisième révolution porté par la Région. Car pour mettre en œuvre la feuille de route de l'économiste américain, les acteurs du Nord-Pas-de-Calais entendent demander à l'État un droit à expérimentation afin de contourner les freins réglementaires. « Permettez-nous de faire, a scandé Philipe Vasseur à la fin de son discours. Et ne reproduisons pas nous-mêmes la centralisation que nous reprochons aux autres. N'oublions pas qu'avec le plan Rifkin nous sommes dans la perspective d'un pouvoir latéral. Mettons en avant l'intérêt collectif, faisons le passer avant les intérêts personnels.» Si son appel est entendu, il devrait y avoir bien d'autres projets dans le recyclage à s'inscrire dans cette nouvelle dynamique lancée par Jeremy Rifkin.