Offrir à ses convives les pommes de l'agri culteur voisin : l'idée a tout pour séduire. De tels circuits courts, qui visent à consommer les produits locaux, se développent partout en France. Mais pour les mettre en place, il faut une bonne dose de volonté, d'organisa tion et de persévérance. « Il s'agit de mettre en relation deux mondes qui s'ignorent, aux contraintes très différentes : les aléas cli matiques, la saisonnalité, les cycles longs pour les producteurs, et le prix, le matériel, notamment, pour les gestionnaires de cui sines collectives », amorce Olivier Nicod, chargé de mission agriculture dans le syn dicat mixte de territoire Rhône pluriel.
La volonté politique doit donner la pre mière impulsion. Ensuite, les équipes techniques commencent un travail de fourmi pour rapprocher les exigences et les contraintes de l'amont (les producteurs) et de l'aval (les cuisines).
Première étape : dresser un bilan de l'offre et de la demande. Les collectivités peuvent s'appuyer sur les chambres d'agri culture, qui jouent un rôle important dans la structuration des circuits courts. « Il faut recenser les productions et les organisations existantes, identifier les qualités proposées, les quantités disponibles, les prix », résume Vincent Perrot, au sein du cabinet conseil spécialisé Vivrao. Et notamment la capacité, pour les producteurs, à organiser une plate forme, virtuelle ou réelle, pour centraliser les commandes, voire la facturation et les livraisons. « Parallèlement, il faut identifier les équipements dont disposent les cuisines, leurs exigences en termes de qualité et de prix », poursuit Vincent Perrot. Et rappro cher les besoins des uns et des autres pour massifier la demande. Dans la Somme, Grégory Debuire, technicien en restau ration scolaire collective pour le conseil général, a organisé des rendez-vous, dans chaque collège, avec le gestionnaire, le chef de cuisine et un technicien de la chambre d'agriculture – comptez une demi journée à chaque fois. « Nous avons mis les pro duits entre les mains des cuisiniers, en leur demandant ce qu'ils pouvaient en faire : ça a été décisif », raconte Grégory Debuire.
Deuxième étape : mettre en place la plateforme. Le syndicat Rhône pluriel, à l'origine d'une plateforme vir tuelle en Rhône-Alpes, témoigne : « Le premier groupe de travail, pour réfléchir à la création de circuits courts, date de 2008. La plate forme, créée en 2010, est presque à l'équilibre aujourd'hui », retrace Olivier Nicod. Une trentaine de produc teurs sont en mesure de fournir jusqu'à 2 tonnes par jour d'aliments pour servir 25 000 à 30 000 repas en restauration col lective. Dans la Somme, un tiers de chefs des collèges commandent directement, et régulièrement, aux producteurs.
Par ailleurs, ne pas négliger de mobiliser les petites mains qui mitonneront les produits. « C'est un changement : on ne demande plus aux cuisiniers d'ouvrir des sacs de surgelés, mais de préparer du frais », témoigne Gré gory Debuire. Cette nouvelle organisation peut impliquer l'acquisition de nouveaux équipements : essoreuses à salade, parmen tières, etc. « Pour continuer à respecter les normes HACCP, nous avons dû réorgani ser la disposition des salles en cuisine », témoigne Fabrice Poignas, technicien au service environnement de Saint-Étienne, où 43 % des produits sont locaux.